L'approche des fêtes avait le don de susciter chez les gens une certaine nervosité, mais pour Ophélia, c'était une période de l'année qu'elle chérissait par-dessus tout. Son amour pour son métier était loin d'être un secret, et elle s'investissait toujours pleinement dans son travail. Cette saison apportait avec elle toute une gamme d'événements, qu'il s'agisse d'interventions routinières ou de situations plus mouvementées. Bien qu'elle adorait sa vie à Londres, il était indéniable que, derrière la beauté et l'image idyllique de la ville, se cachaient quelques individus malintentionnés, comme c'est le cas partout ailleurs en réalité.

Le froid qui s'installait sur Londres lui rappelait cruellement qu'elle allait encore célébrer une nouvelle année sans la présence de son époux, le père de ses enfants. Cette absence était un fardeau difficile à porter, et Ophélia peinait à digérer la douleur qui en résultait. À ses yeux, il avait été bien plus qu'un mari ; il avait été un collègue, un ami, et surtout, le père idéal pour leurs enfants.

Pourtant, il était impossible pour Ophélia d'ignorer le fait qu'il y avait quelques temps, lors d'une fin de service au bar, un événement inattendu avait eu lieu. Un simple baiser, échangé avec Steven, avait bouleversé sa vie à un point tel qu'elle n'avait ni lui ni elle-même n'avaient osé aborder le sujet par la suite. Ce baiser avait laissé en elle un sentiment de confusion et de culpabilité, une ombre qui planait sur son cœur malgré son amour inébranlable pour son époux défunt.
Pendant longtemps après cet événement, elle avait eu du mal à trouver le sommeil, tourmentée par mille et une questions sur ce baiser, sa signification, et surtout, pourquoi elle avait cédé à cette impulsion. Ce jour-là, assise dans la voiture aux côtés de l'homme qui avait autrefois occupé une place importante dans sa vie en tant qu'ami, cet homme avec lequel elle avait injustement attribué la responsabilité du décès de son mari, sans même lui laisser l'occasion de s'exprimer, elle se retrouvait plongée dans ses pensées.

Installée sur le siège passager, son regard se perdait à travers le pare-brise, observant les allées et venues des gens devant une boîte de nuit de la ville. Ils effectuaient une sorte de repérage, s'assurant que les esprits ne s'échauffaient pas et que le trafic de drogue ne prospérait pas, car, pour être honnête, c'était un endroit propice à de telles activités.

Sans détourner son regard des personnes qui profitaient de leur soirée, elle décida de briser le silence pour entamer une conversation avec Steven. Tu... Tu as prévu quelque chose de spécial pour les fêtes ? Des projets en tête ?

Ce n'était pas la période la plus joyeuse pour la famille Miller qui s'était pour le coup pas mal divisée avec le temps. La seule de ses filles encore véritablement présente, c'était la plus jeune, Alexis. En entendant Steven parler de demander à travailler pendant la période de fête, la jeune femme hochait la tête. Elle allait très certainement vouloir travailler durant cette période aussi, tout simplement parce que ça lui permettrait de ne pas penser et de ne pas sombrer dans d'étranges soirées où elle se retrouve seule, devant sa télé à regarder des émissions débiles.

Je comprends, je partage ton envie de travailler pendant les fêtes. En plus... C'est une période pas de tout repos pour nous, disait-elle. C'était vrai, ils n'étaient jamais tranquilles à cette période de l'année.

Lorsque Steven posait sa question, Ophélia prit le temps d'y réfléchir quelques secondes. Oh, très sincèrement... J'en sais rien. Les filles ont tendance à être chacune de leur côté en ce moment, surtout Alexis. Je ne serais que très peu étonnée qu'elle ait prévu de faire la fête jusqu'à pas d'heure avec ses amis, disait-elle en riant un peu ironiquement. Elle secouait la tête en se frottant le visage d'une main. Elle va me rendre dingue cette fille. Elle a de la chance que je l'aime. Si ça ne tenait qu'à moi je l'aurais déjà déposée en internat, plaisantait-elle. Il est vrai que sa fille ne lui menait pas la vie tranquille. C'était une véritable bombe à retardement qui faisait ses coups en douce, mais qui éveillait parfois quelques soupçons auprès de sa mère.

Tu sais, parfois j'ai l'impression qu'elle est défoncée et puis je me dis... Nan, je suis sa mère, elle m'en parlerait quand même, non ? demandait-elle en le regardant avant de secouer la tête. Désolée, je te bassine la tête avec mes histoires à dormir debout. Elle détournait le regard de son collègue, regardant alors à l'extérieur, elle expirait longuement et silencieusement, pourquoi avait-elle la langue aussi pendue ? Stevent en avait probablement rien à faire de savoir que la fille cadette des Miller était prbablement une droguée qui faisait passé des quarts d'heure parfois difficile à sa mère.

Steven avait raison : le chef serait certainement ravi d'avoir davantage de personnel pour les fêtes. Cependant, Ophélia se demandait si ses filles comprendraient son choix de travailler plutôt que de consacrer du temps en famille. Oui, c'est sûr qu'il ne serait pas contre. Je suis même presque certaine qu'en échange les filles vont me le reprocher un jour. Mais cela ne serait pas vraiment nouveau ; après tout, ses filles ne manquaient jamais une occasion de lui reprocher quelque chose. Une excuse de plus ne ferait guère de différence.

La jeune femme écoutait attentivement, hochant la tête de manière affirmative. Il semblait lui-même se questionner sur la durée de cette situation. Après un moment de réflexion, elle haussa les épaules avant de répondre. Et bien... Le temps ne nous a pas vraiment rapprochés. Je veux dire... Depuis qu'on est venues à Londres, j'ai l'impression que tout a changé et que nous sommes un peu submergées par les conflits et les non-dits. Elle laissa échapper un soupir tout en observant distraitement ce qui se passait à l'extérieur. C'est comme si depuis tout ce temps j'échouais...

Steven écoutait attentivement sa collègue se confier sur sa vie familiale chaotique, et bien que cela puisse sembler peu intéressant à ses propres yeux, il semblait tout de même concerné par le bien-être des filles d'Ophélia. Cette dernière aurait aimé pouvoir lui partager des anecdotes plus joyeuses, mais pour l'instant, elle se contentait de lui offrir un aperçu de sa réalité. Je pense qu'elle se drogue, oui. En fait, ça ne me surprendrait même pas... avouait-elle en attrapant son café, désormais froid, avant d'en prendre une gorgée. Si au début je pensais que nous étions une famille parfaite, j'ai l'impression que tout part dans tous les sens. Au lieu de voir mes filles grandir dans un environnement sain et correct, j'ai l'impression qu'elles se détruisent à petit feu. Elle exprimait ses pensées sans même regarder Steven, fixant plutôt l'extérieur comme si elle observait le vide. On devrait... changer de sujet.

Profiter de ses filles... Cela faisait bien longtemps qu'Ophélia n'avait plus sincèrement eu l'occasion de profiter de ses enfants. Elles avaient grandi et étaient toutes moins dans la demande d'affection et puis... Sans mentir, depuis la mort de son mari, tout avait changé et le deuil vécu par ses enfants les avait toutes changées d'une manière ou d'une autre. Des changements difficiles qu'Ophélia n'avait jamais trop acceptés, préférant alors se consacrer à son travail, une certaine façon pour elle de détourner l'attention des problèmes que sa vie pouvait lui offrir. Elle haussa les épaules avant de lui répondre. Je suis certaine qu'elles ont déjà toutes des plans de prévus alors... Ce sera pour l'année prochaine. Comme chaque année depuis la mort du père de ses enfants... Les fêtes avaient perdu le goût de ce qu'elles étaient avant.

Steven était vraisemblablement persuadé qu'elle n'avait pas échoué et pourtant, quand on ouvrait les yeux sur la réalité, la véritable et non pas celle démontrée aux gens, on voyait bien que quelque chose n'allait plus. Je sais bien que de façon extérieure on dirait que "ça va", mais en réalité, c'est un filtre, il n'y a rien qui va... Quand ça semble aller mieux, y a un autre truc qui tombe. Disait-elle en haussant un peu les épaules. Gérer une famille, c'était compliqué, mais alors une famille remplie de douleur, de conflits et de non-dits comme la sienne, c'était encore plus difficile. Sincèrement, dès que j'essaye, ça finit toujours par des reproches ou des cris alors, j'arrête d'essayer.

Ophelia secoua négativement la tête lorsqu'elle écoutait Steven dire qu'il avait une part de responsabilité, que c'était presque totalement sa faute. C'était faux. Steven n'y était pour rien dans tout ça. Ne dis pas n'importe quoi, tu n'y es pour rien dans toute cette histoire. Comme je l'ai dit, j'ai probablement échoué quelque part et puis j'ai un peu laissé les choses partir dans tous les sens. Elle était la seule à blâmer dans toute cette histoire après tout. Puis, elle changea de sujet et en écoutant la question de son collègue, Ophélia rit un peu. Franchement ? J'en sais rien du tout. Je pense qu'on n'est en aucun cas discret, mais au moins... On le fait. Puis, elle tourna la tête et le regarda. Tu as un autre plan ? demanda-t-elle en le regardant.