Les semaines lui avaient semblé interminables, depuis le départ de Ryan. Oh, pourtant, elle en avait l’habitude, lorsqu’il partait en tournée. Elle connaissait les moments solitaires à double tranchant. Aussi plaisants pour elle que difficiles à vivre, probablement la faute à la dualité de ses ressentis : une solitaire ayant la trouille de la solitude, voilà ce qu’était Laura. Preuve en était son mode de vie : bibliothécaire le jour, hyperactive et oiseau de nuit lorsque le soleil, lui, s’était couché depuis belle lurette. A quelque chose près, un remake parfait de Dr Jekyll et Mister Hyde… en plus girly. Et plus actuel.

Elle ne savait pas vraiment pourquoi, mais cette fois-ci, l’absence lui avait paru particulièrement douloureuse. Peut-être parce qu’il ne lui avait pas donné de date de retour ? Si elle avait confiance en lui, elle savait pertinemment que ses recherches pourraient prendre du temps. Pire encore : et si Ryan ne retrouvait jamais cet imbécile de Kooks ? elle n’aimait pas l’idée que Ryan se rabiboche avec lui mais pour autant, elle aimait encore moins l’idée de voir son fiancé déprimé, dans le creux de la vague : il allait falloir ronger son frein. Peut-être, d’ailleurs que c’était pour ça, que c’était difficile : Ryan dans le creux de la vague, cela faisait un moment maintenant qu’ils ne s’étaient pas lâchés plus de deux semaines. Et si pouvoir profiter avec lui plaisait à la jeune femme, le voir déprimer était tout autre chose.C’est pour cette raison que lorsqu’il lui a annoncé partir pour l’Angleterre, elle n’a pas été surprise… n’approuvant pas pour autant cette idée folle et à ses yeux irréaliste. Qui aurait elle été pour juger Ryan ? Au moins, il avait le mérite d’essayer. Ne rien lâcher, trouver des solutions. Défaire, refaire, corriger. Voilà comme ils avaient toujours fonctionné et, la raison pour laquelle elle admirait le chanteur qui ne se laissait jamais abattre… ou presque. Sans doute qu’elle n’aurait pas le même discours, si Nathan refusait l’offre de son compagnon. Mais lorsqu’il a fini par lui annoncer devoir rester plus longtemps que prévu, c’en a été trop. A son tour d’avoir des idées folles et discutables, elle le rejoindrait à Londres… Pas comme si elle avait encore beaucoup d’attaches à Seattle, de toutes façons. La surprise devant rester totale, elle avait décidé de contacter Nathan qui, à sa grande surprise, était plutôt présent sur les réseaux, pour un ancien criminel. Elle mordit nerveusement l’intérieur de sa joue, prit une grande inspiration, et souffla tout aussi fort « allez Laura. C’est pour la bonne cause ! » lança-t-elle, comme pour se donner le courage qui lui manquait. Elle ne tarda pas à avoir une réponse de l’ancien agent -véritable arnaque- de Ryan et bien vite, ils convinrent d’un plan pour qu’on la récupère à son arrivée sur le sol britannique.

Jour J. Epuisée par le jet lag, encore endormie par les longues heures de vol, Laura s’étirait, récupéra ses affaires et sortit aussi rapidement que possible de l’aéroport dont elle fit environ cent vingt cinq fois le tour avant de trouver cette fichue navette : Nathan s’était chié, c’était un boucan, il y avait des choses qui ne changeraient jamais, cqfd -oui, elle était de mauvaise foi à son égard, mais pouvait-on vraiment lui en vouloir ?- Une fois sortie de la navette, elle l’a cherché du regard, mais ne les a pas trouvés, lui et sa gueule de renfrogné. Presque rassurée, elle commençait tout de même à se demander comment elle rentrerait, avant de remarquer ce panneau avec son nom dessus. Elle se dirigea, curieuse vers la jeune femme et lui adressait un sourire « salut ! Laura, enchantée. Et toi ? Tu es… ? » impression d’être la pire, le stéréotype même de l’américaine condescendante, elle s’excusa bien vite : l’épuisement, chez Laura, rendait la tâche du tact quasiment impossible. Oups. Elle se racla la gorge et se reprit, retirant son coussin de voyage du tour de son cou « merci d’avoir pris sur ton temps pour venir me chercher. »