Pas de nouvelles de la soirée. Ca t’inquiète autant que ça t’étonne. C’est sans doute idiot, à y réfléchir : vous avez passé sept ans à vous écrire, ne pas vous donner des nouvelles pour un soir, c’était dans l’ordre des choses. « c’était », oui. Parce que ça n’est plus. Aujourd’hui, rares sont les jours où vous restez sans vous parler, souvent synonymes d’embrouilles. T’es pas jaloux ou quoi que ce soit, simplement, tu aimes savoir Johanne en sécurité. Aussi curieux que ça puisse paraître, c’est Persephone, qui t’a informé. T’étais en train de mollement glisser dans le sommeil, vautré sur ton canapé, lorsque ton téléphone t’en a fait tomber. T’aurais bien insulté la terre entière, mais t’as appris à ne pas t’enflammer trop vite trop fort. T’as répondu, essayant de comprendre tant bien que mal, mais t’en croyais pas tes oreilles : ta Jo’ au poste ? Non. Impossible. Il ne t’en fallait pas plus pour débarquer furax au commissariat, et prouver par A+B à tes anciens collègues qu’ils nageaient en plein délire. Tu connaissais la loi. T’en avais bien trop souvent joué pour qu’on puisse te la faire à l’envers. De guerre lasse, ils ont fini par accepter de la relâcher. Tu ne sais pas si c’étaient tes arguments qui étaient convaincants ou simplement l’envie que tu débarrasses le plancher. T’es pas certain de vouloir savoir, par ailleurs. Impatient, tu trépignes devant la salle d’interrogatoire, dont elle finit par sortir quelques minutes après. Minutes qui te semblent être une éternité, mais tu n’en dis rien. Tu ne sais pas exactement ce qui s’est passé. Enfin, t’as entendu la version de la maison, mais tu veux connaître l’histoire de sa bouche. Inquiet, tu ne dis rien. T’avances vers elle et passes tes bras autour de son cou, la ramenant contre toi avant d’embrasser son front… et tu murmures, d’une voix à peine audible tellement tu ne veux pas que la flicaille dont t’as fait partie entende ce qui se passe entre vous « bah alors ? Qu’est ce que tu me fais ? Tu joues les dures à cuire ? Qu’est ce qui s’est passé ? » tu défaits doucement ton étreinte et prends sa main, lui tendant une veste que t’avais choppée à la volée, chez toi « viens. On sort d’ici. J’te conseille la veste. Ca caille un max. » et pour cause : les heures de fin de soirée ou de début de matin ne sont pas réputées pour leur chaleur.

Si tu ne connaissais pas Jo’ et ses habitudes, t’aurais pu douter. Mais quand t’as su, t’as rien pu faire d’autre que de te demander ce que tes anciens collègues avaient encore pu faire comme conneries. Nul doute, c’est le même qui a foutu son écran de fumée, le soir où tu t’es fait tirer dessus, qui a permis à Owen de prendre la fuite. Il en veut à toi et à tes proches, tu peux pas l’expliquer autrement. Fumier.

Tu finis par la faire sortir, peut-être aussi furax qu’elle, mais surtout rassuré. Tu lui tends ta veste et salue les derniers anciens-collègues que tu croises « j’suis désolé. Certains ici ont un peu de mal, avec la présomption d’innocence. » et ça, t’en avais souvent fait les frais, par le passé. Parce que pour eux, se prostituer était synonyme de baigner dans le crime. Pour toi, c’était tellement plus complexe que ça… t’as voulu leur prouver le contraire, leur ouvrir les yeux. Tout ce que t’as pu ramasser ? Des accusations à la con : flic véreux ? Nan. T’avais encore quelques principes, jusqu’à ton départ d’ici.

Une fois dans la voiture, tu écoutes Jo et hoches la tête « ils m’ont expliqué tout ça. J’suis désolé que ça te soit tombé dessus. Ca ne serait pas arrivé si... » si t’avais pas quitté ton job. Mais t’es pas prêt à le reprendre. Peut-être même que tu ne le serais jamais. « je me suis assuré qu’ils ne fassent plus jamais la même erreur. Et j’ai ajouté deux trois trucs sur le portrait, pour éviter qu’on te confonde. Une moustache, notamment. » tu ricanes et lui offres un clin d’oeil amusé « allez. On rentre. Ça te dit, un chocolat chaud sous la couette ? » tu déposes un baiser sur sa joue et caresses son bras avant d’allumer le moteur et de démarrer, sans attendre qu’on te le demande.

T’as jamais vu Jo dans cet état de colère. Et à raison : à sa place, tu leur aurais retourné le bureau, peut-être même que t’y aurais foutu le feu, avant de prendre la fuite. Extrême ? Sans doute. Mais c’est tout ce que t’inspire le système judiciaire, depuis que t’as laissé ta place. Bien évidemment, t’es pas devenu anarchiste pour autant. T’as passé l’âge, de ces conneries d’anticapitalisme et de rerépartition des richesses. T’as aussi passé l’âge de gueuler des « ACAB » dans les rues, bien trop mal venus de ta part, quand on sait tout le temps que t’as passé à bosser dans ces bureaux, bien au chaud, à traquer des salopards qui auraient pu se penser impunis à tort. Mais tu connais aussi la vérité des équipes. Les manques de moyens, les manques de confiance les uns envers les autres. Les fausses pistes et les tensions. Tu sais que certaines choses pourraient être évitées si les politiques étaient différentes et les effectifs plus nombreux. Mais dans un monde parfait tout roule et dans un monde parfait, on a pas besoin de flics. Dans un monde parfait, donc, tous tes potes ou presque sont au chômage… Finalement, heureusement que ce monde n’est pas si parfait que ça. Tu arques un sourcil en entendant Johanne rétorquer. Toi qui as voulu mettre de l’eau dans ton vin et l’aider à relativiser, voilà que ça se retourne contre toi. Eh merde. Tu lèves les yeux au ciel et soupires « hey, Jo’ ! C’est pas ce que j’ai dit. J’pense savoir qui a fait le coup. John est un trou du cul, j’comprends même pas comment ils l’ont pas encore foutu à la circulation. C’est à cause de lui que j’ai failli crever. Ils ne l’ont pas radié parce qu’il est le neveu du maire. Ils lui laissent l’administratif, de ce que j’ai entendu dire. Mais si tu veux mon avis, ce type est tellement con qu’il trouverait pas un éléphant dans un couloir. » et puis tu secoues la tête « tu te trompes. C’est grâce à elle que t’es dehors. C’est elle qui m’a prévenu de la situation. Elle avait pas le droit de te communiquer ce qui se passait. C’est la procédure. Mais crois moi : si elle n’avait pas été là, tu serais encore là dedans. » que tu conclus en pointant le commissariat du doigt. Tu finis par démarrer et tu réprimes un rire, t’attrapes sa main sur laquelle tu déposes un baiser « enfin quelqu’un de censé dans ce pays ! Je suis indispensable. » tu lui adresses un clin d’oeil moqueur et hausses les épaules « dans ce cas...va pour une bouteille de rhum, toi, moi… et une couette. C’est tout de suite plus convainquant. » tu lui adresses un sourire et poursuis votre route « non, ils sont chez ma mère, ce soir. J’pense qu’ils vont peut-être y rester. Elle est du genre à kidnapper ses propres enfant en oubliant qu’ils ont une vie d’adulte. » tu ris légèrement et, une fois arrivés dans ta rue, tu te gares et t’étires « tu risques plus rien ici ma puce. Essaies de te détendre, tout va bien. » que tu l’invites en fermant la voiture derrière toi. Sans attendre, t’ouvres la porte de l’atelier. L’odeur si reconnaissable des lieux t’arrache instantanément un sentiment de bien-être. Tu vérifies rapidement le travail de la veille d’un coup d’oeil, vérifies les portes, éteins. Un escalier en colimasson plus tard, tu te retrouves dans ton salon, à fouiller le bar pour en sortir tes alcools les plus forts : t’as promis à Jo de quoi se requinquer et tu ne voudrais pas la décevoir là dessus.

Alistair et karma ? Synonymes ? Étrangement, tu sais combien c’est fort possible et combien tu voudrais vérifier pour rien au monde. Tu réprimes un rire. « je sais. Mais étrangement… j’espérais que tu sois l’exception qui confirme la règle. » tu lui adresses un clin d’oeil, avant d’hocher la tête « ça aussi, je sais. Mais visiblement… faire du bon travail à 22h, c’est trop leur demander. » tu hausses les épaules puis grimaces. Force est de constater que finalement… t’as eu bien fait, d’abandonner ton vieux boulot, celui là même que t’as pourtant adoré chaque seconde que tu l’as exercé. Tu te mets à rire à sa réponse et caresses tendrement sa joue, avant de lui avouer ce que tu penses de ces visites de courtoisie chez ta mère. Meh. Ton frère est grand. Il sait probablement ce qu’il fait. Enfin t’espères. Tu lui adresses un sourire amusé par sa réaction et hoches la tête « son ex, ouais. On l’a croisée dans un bar, l’autre soir. » tu éviteras bien évidemment de mentionner les circonstances, t’étais bourré. Bref. L’important c’est que le hasard ait bien fait les choses, tu penses. Dans un sourire, tu hoches la tête. T’es assez content, que ton frère, finalement, ait trouvé un moyen de ne pas rester seul dans son coin. Tu attrapes les affaires dont elle pourrait avoir besoin, le plaid, le pyjama que tu déposes sur l’accoudoir de ton canapé, et tu t’installes confortablement contre elle « je savais, qu’ça te plairait, comme idée. » tu ricanes et lui adresses un clin d’oeil. Faut dire que l’idée de glander tous les deux, est loin d’être un mauvais plan pour toi.

Tu lui adresses un clin d’oeil et la serres un peu plus contre toi. Ces mots que tu viens de prononcer, tu ne les penses pas, jamais. Il y a de fortes chances qu’elle le sache, du moins, t’espères. Tu ne serais jamais méchant avec Jo’ avec arrière pensée. C’est d’ailleurs assez rare pour être souligné, on ne peut pas vraiment dire que tu sois un crac en compassion de manière générale. Enfin, du moins, tu te protèges. T’as trop bavé plus tôt dans ta vie pour que tu puisses permettre à qui que ce soit de t’atteindre sans rien dire. Tu ris légèrement et ajoutes « ils ont déjà pas très bonne réputation. Ça ne serait qu’un truc de plus sur leur CV, si on va par là. » tu lui adresses un clin d’oeil. Elle peut bien faire ce qu’elle veut : tu sais que de toutes façons, ils ne récolteraient que ce qu’ils ont semé : c’est de bonne guerre.

Lorsque la discussion dévie sur ton frère, tu hoches la tête, amusé « oui oui ! On était sortis. Et il l’a rencontrée là. Elle était de service ce soir là. » de ‘’’’’service’’’’’, hein ? Ouais. Clairement, tu t’arrêteras là dans le détail. T’as pas envie de te faire arracher la tête, même si, de base, cette sortie était destinée à changer les idées de ton frère, rien d’autre. Preuve en est : tu t’es barré, quand t’as compris, assez rapidement, qu’il ne reviendrait pas. T’es rentré chez toi, t’as allumé la play’ clope au bec et verre de rhum en équilibre sur l’accoudoir du canapé. Voilà ta définition du chill.Tu hoches la tête « j’espère. Mais c’est vrai qu’il a l’air un peu moins… tendu, depuis. Je suppose qu’elle n’y est pas pour rien ! » tu te mets à rire et déposes un baiser dans son cou «l’un n’empêche pas l’autre ? Et si vraiment tu veux tirer une croix dessus, c’est pas moi qui te jeterai la pierre ! » tu ricanes et embrasses sa joue, ta tête se calant finalement sur son épaule. Dire que tu lui mange dans la main serait clairement un euphémisme. Oupsy.

Tu ne réponds pas. Tu sais qu’elle a raison. Tu comprends. A sa place, t’aurais pété un câble. A la tienne ? C’est déjà fait. Tu ne le lui diras pas tout de suite, peut-être même jamais, mais face à tes anciens collègues, tu n’as pas su garder ton sang froid. Tu dois bien leur reconnaître une chose : ils ont au moins eu la décence de ne pas te mettre au trou, toi aussi. De toutes façons, tu ne te serais pas laissé faire, et ils le savaient. Sans doute pour ça que ton ancienne coéquipière a essayé de contenir ta colère. En vain. Toi et ta grande gueule, comme souvent, vous êtes faits remarquer. Honnêtement, tu t’en fous. Jo’ dehors c’est tout ce qui compte là, tout de suite, bien que tu te le sois promis : un de ces quatre, tu leur donnerais une bonne leçon, à ces crétins. A la remarque de ta blonde, tu hausses les épaules et te contentes de sourire. Tu ne sais pas si t’as été « un bon flic », mais ce dont tu es certain, c’est d’avoir fait ton maximum. Pas toujours dans les clous, mais, au moins, le max pour correspondre à tes valeurs et ça te suffit ; être fidèle à toi même peu importe les circonstances, ça a toujours été important, pour toi.

Amusé, tu secoues la tête lorsqu’elle te questionne sur Enola « nan. C’est même l’inverse : elle est barmaid. Nous, on arrête les gens torchés qui sortent de chez elle. » tu éclates de rire, essayant de cacher ta gêne. Plus jamais t’aurais des idées aussi connes que de traîner ton frère la dedans, même ‘pour lui remonter le moral’. Tu t’en veux, tu n’aimes pas cacher quoi que ce soit à Jo, mais la soirée a été suffisamment rude pour risquer une scène : t’as pas la force et il faut qu’elle se repose, ou du moins, se détende après l’expérience qu’elle vient de subir. Tu déposes un baiser sur son front et souris « tu verras. Elle est cool. J’suis sûr que tu vas la croiser, un de ces quatre. » Obligé. Tu connais ton frère. Tu ne sais pas où ces retrouvailles mèneront, mais tu connais l’attachement de Beck à la danseuse : nul doute qu’elle finira par revenir dans son ciel.

Moqueur, tu arques un sourcil, ton regard dans le sien « ça… ça peut s’arranger ! » tu t’étires te lèves et lui tends la main, attrapant, de l’autre, ce que t’as posé précédemment « tu viens ? » que tu demandes avant de l’entrainer vers la salle de bains.