Aussi idiot que ça puisse paraître, t’es comme sur un petit nuage depuis que ta sœur est de retour à Londres. Pour de bon, cette fois, votre famille est réunie. Ou presque. Tu es heureuse, de la retrouver, t’as impression de retrouver une pièce du puzzle de ta vie. Le genre de trucs un peu stupides, dit comme ça mais qui, pourtant sont véridiques, lorsqu’on sait comme la famille, c’est primordial, pour toi. Véritable plaisir, donc, qu’est son séjour chez toi : tu lui as dit dès le départ, elle pourra rester autant qu’elle veut. Alors forcément, quand tu as reçu son sms, t’as ressenti comme un pincement au coeur. Tu t’es assurée que malgré tout, elle restait à Londres et lorsque tu as compris où elle partait, tu as esquissé un sourire : t’es pas surprise. En fait, c’était même plutôt logique, tu sais combien Aaron et elle sont liés et ça te fait rire. T’as fini t’es quelques courses et tu es rentrée, posant tes sacs dans l’entrée pour la saluer « dis tout de suite que tu voulais vider les lieux discrètement ! » que tu lances, amusée. Tu déposes un baiser sur sa joue avant de demander « alors… c’est le grand jour … ? Tu sais que si tu as besoin d’aide, je peux t’aider à transporter tes affaires ! Il habite loin, Aaron ? »

Tu n’aimes pas spécialement l’idée de laisser partir ta sœur, mais tu sais aussi que de vouloir la retenir ne ferait qu’empirer les choses. T’as le coeur lourd, noué dans ta gorge. Ça te fait drôle de te dire que ça y est : c’est le moment, ta sœur s’en va. Pourtant tu ne dis rien. Parce que tu sais que malgré tout ce que tu pourrais lui dire, rien ne la retiendrait. Tu sais aussi que tu ne veux pas la faire culpabiliser, ça ne servirait à rien, de toutes façons. A quoi bon retenir quelqu’un qui ne veut pas rester ? Kidnapper les gens n’a jamais été un bon moyen de rester en contact. Dans ta tête, mille et une pensées se formulent. Tu éloignes autant que tu peux la sensation de rejet – tu sais qu’elle ne serait pas justifiée ; et la peur de ne pas la revoir de sitôt : tu la connais, ta sœur, t’as confiance. Tu sais qu’elle reviendra dès qu’elle pourra, alors pourquoi cette putain de peur reste là, chevillée à ton ventre et à ton crâne maladivement ? Ta psy appelle ça une dysphorie sensible au rejet. Toi, tu le ressens comme une petite mort qui te consume lentement, quel que soit le sujet, le moment ou le contexte. Tu prends sur toi, cette fois. Parce que tu n’as aucune envie que ces dernières heures de vie en communauté avec ta sœur ne demeurent de mauvais souvenirs. Amusée par sa remarque, tu ris légèrement, d’un rire sans joie, qui en réalité se rapproche plutôt du soufflement de nez. Tes bras croisés sous ta poitrine, tu arraches de quelques coups d’incisives la peau sèche de tes lèvres ; geste qui trahit ta nervosité et ton tracas ; t’espères tout de même que Mari ne le remarquera pas. « Hackney ? ok. Tu veux qu’on prenne ma voiture ? De ce que je vois, t’as pas énorme à transporter. Mais quand même, ça sera toujours plus agréable qu’en métro, je crois. » tu lui adresses un sourire et attrapes quelques unes des affaires que tu vois, t’attends son feu vert pour commencer à récupérer plus.