Quand tu t’embrouilles avec elle, c’est comme une lame qui te traverse de part en part, un coup de feu dans la poitrine, ou ce que tu imagines comme la chaleur de la bombe la plus puissante venue tout droit irradier ton palpitant. Ça n’arrive pas souvent, dieu merci, mais quand c’est là, t’en viendrais presque à regretter Lynda. Parce qu’avec elle, t’avais l’embrouille facile tant son faciès t’inspirait les meilleures punchlines. Avec Lyly c’est différent : t’as trop de respect et d’amour pour elle pour imaginer un jour aimer ces joutes verbales qui n’avaient de cesse de te foutre un coup. Pourtant, toi, con et têtu, t’irais pas le dire, encore moins le montrer. Elle est loin d’être idiote, ta brune ; elle doit bien se douter, mais on t’a toujours dit d’encaisser les coups sans broncher, quand t’es sur le ring. Quand elle est partie, t’as eu beau savoir que c’était temporaire, tu t’es senti seul au monde, comme orphelin. Assez pour décider de t’en griller une, ta vie comme en suspens, pendue à son bon vouloir. Y’a qu’elle, pour te faire cet effet : toi qui pensais être reparti pour un tour, désinvolte parmi les désinvoltes, voilà que tu te la jouais canard comme pas permis. Tu soupires, et retournes t’affaler dans le canapé, faute de mieux. T’as presque sauté de joie quand elle a passé la porte, mais t’es resté sur la réserve. Parce que tu sais qu’on ne redescend pas en pression en un claquement de doigts : y’a qu’a te voir fébrile comme à l’instant pour illustrer le propos. Tu observes, gardes tes distances. Tu ne dis rien, presque surpris de la voir s’engouffrer dans la salle de bains sans un mot, si bien que ç’en devient inquiétant. A pas de velours, tu te faufiles derrière la porte à l’affût du moindre bruit mais rien. Rien de concluant. Tu sursautes en manquant de te prendre la porte dans la tronche, rattrapant par réflexe ce que ta furie te colle dans les mains sans comprendre. Ce n’est qu’en entendant ses mots que tu comprends. T’as pas particulièrement envie de devenir daron, pas particulièrement non plus la fibre paternelle, mais malgré tout, t’as ce putain de pincement au coeur qui vient te prendre sans que tu ne comprenne. P’t-être qu’au fond, avec Liv’, ça pourrait le faire. En fait, non : c’est pas « peut-être ». C’est « sans aucun doute ». Tu en es convaincu. Seulement voilà : comment prétendre à un enfant quand on n’est pas capable de s’occuper de soi correctement ? Manger, dormir, subvenir à ses besoins sans être une catastrophe ambulante ? Voilà pourquoi et seulement pourquoi t’as toujours été clair, du moins en apparence : il n’y aurait pas de Tomas Stern Junior. Pourtant, ça te fout un coup. Comme un gamin qui dit non par esprit de contradiction mais qui finalement, l’aurait bien voulue, cette glace au chocolat. Et plutôt que d’exprimer tout ça, tu te contentes d’alimenter le truc, putain de crétin que tu es « alors c’est ça le truc ? On s’engueule et tu t’assures de ne surtout pas avoir de polichinelle dans le tiroir ? » regret instantané que cette phrase soit sortie de ta bouche, tu pinces tes lèvres « Liv’ c’est naze ! On s’était promis de pas mal finir ! Qu’est ce qui se passe depuis ce matin ?! Qu’est ce que je t’ai fait ?? » au fond de toi, tu sais très bien. Tu commences à lister toutes les bonnes raisons qu’elle pourrait avoir de t’en vouloir et ça te fout la boule au ventre. « faire ce qu’il faut de quoi ?! » t’essaies vaguement de la couper, mais ça ne fonctionne pas. T’es totalement à côté de la plaque. C’est en voyant la boite, que tu commences à comprendre « attends, Liv’, tu déconnes là, j’espère ??? J’suis pas un putain de junkie ! Tu me connais, non ? » tu ris jaune. « visiblement pas. » en fait, tu ne mesures tout simplement pas la gravité de ta situation. T’as plus les mots. Dans ta tête, tout s’emmêle, et t’essaies de comprendre comment vous en êtes arrivés là. Tu te laisses retomber lourdement sur le canapé et observes la boite. T’évites soigneusement son regard, de peur de ce qu’elle pourrait trouver dans le tien. Tout d’un coup, t’es plus sûr du tout : et si elle avait raison ?