Ton projet se met enfin en place. Pour l'instant, l'hôtel est au stade des travaux mais, au rythme où l'équipe qui les réalise avance, tu es confiante : tu devrais bientôt pouvoir faire ton grand openning et enfin attirer tes clients. Avec l'aide de Beck et le partenariat d'Archie, tu as enfin la sensation de faire quelque chose plein de sens à tes yeux et pas juste pour remplir et valider la case imposée par un tiers. Non, c'est clairement pour toi et seulement pour toi, et cette simple idée te met du baume au coeur.

Dans ton optique de réussir ton projet jusqu'au bout t'as fait appel à tout un tas de professionnels, dont certains ont déjà quasiment fini leurs tâches. Ou du moins, tu as plusieurs étages qui sont prêts, les travaux restants concernent principalement l'électricité et la plomberie - et, non, ce n'est pas à Archie que tu as demandé de faire ces travaux, sachant pertinemment que lui comme toi comme électricien ou plombier c'est vouer un chantier à l'échec et à la catastrophe.

Complètement enjouée par tout ça, quand tu as recroisé Edward, tu l'as presque supplié de venir te retrouver à l'hôtel, lui promettant une simple visite alors que tu voudrais réellement lui tendre la main, tout en sachant pertinemment qu'il ne voudra pas. Qui sait ? Tu devrais être un peu plus terre à terre quand il s'agit de tout imbriquer comme du Tetris. Tu n'as pas compris qu'Edward recherchait davantage le frisson que la stabilité. Peut-être que tu as beaucoup trop mûri, changé du tout au tout en France, mais tu sais que, toi, depuis que tu as retrouvé cette stabilité avec les gens avec lesquels tu voulais l'avoir, tu es enfin paisible, sans pour autant abandonner ton sale caractère quand il veut ressortir.

Quand ton ami débarque enfin, tu te diriges vers lui et lui souris.

- Eddie ! Te voilà enfin ! Enfin, enfin... dans l'exagération, certes, mais t'es heureuse qu'il ne se soit pas défilé.

@Edward Roy

D'un air pas forcément ravi, tes yeux jugent sa cigarette alors qu'il est à l'intérieur. Tu ne te prives pas d'une grimace ; outre le fait que ça te donne largement envie d'aller t'en griller une alors que tu as réussi à limiter ta consommation aux grandes périodes de stress, tu n'es pas certaine que ce soit véritablement ce que t'attends de ce lieu que de voir des clopes allumées au sein de la bâtisse.

- Y a moyen que tu jettes ça ? que tu demandes avec un chouïa de dédain non maîtrisé. À l'époque où tu étais adolescente et donc avant de partir, tu fumais comme un pompier, sans vraiment de retenue, mais si la France t'a au moins appris un style de vie, c'est d'éviter de le faire à l'intérieur. Pour autant, tu lui souris, amusée. Oui, tu te rappelles qu'à l'époque c'était déjà un de ses traits de caractères. Le genre de trait qui rend dingue des parents comme les vôtres, par ailleurs.

Ton sourire se transforme en une expression fière, si fière que si tu en avais conscience tu l'aurais diminuée, cette expression, qui te rendrait presque orgueilleuse. La concurrence, tu tiens pas à lui faire mauvaise presse non plus, mais vous n'avez rien à voir et tu le sais. Non seulement parce que ton hôtel est supposé avoir l'air luxueux tout en s'ouvrant à tout le monde. Parce que le côté très exclusif à la haute société, ça commence à te pomper l'air très largement, toi qui préférerais faire partie du tiers monde sans la moindre pression sociale sur tes épaules.

- Je ne sais pas pour la concurrence, mais en tout cas le rendu est plutôt fidèle à ce que j'avais en tête ! Ça te plaît, à toi ? Bon, son avis importera peu dans la balance, mais les critiques constructives, qu'elles soient positives ou négatives sont toutes bonnes à prendre, n'est-ce pas ?

C’est peut-être pas ta décision la plus avisée, mais quand même, Edward, c’est quasiment la famille. Même si tu sais que tout le monde ne serait pas du même avis, surtout en voyant comment il a tourné. Tu sais qu’autant pour son père que le tien il y a des chances que son train de vie soit pleinement renié. Mais tant pis.

Tu lèves les yeux au ciel.

- Dans ce cas, pas à l’intérieur.

Les réglementations, tu n’as pas le choix de les appliquer et ça vaut pour tout le monde. Tes bras croisés sur ta poitrine, tu attends qu’il réagisse. Au lieu de quoi, tes yeux sont tout de suite attirés par la brindille blanche incandescente dans sa main. Non non non.

- Edward, s’il te plaît, tentes-tu dans un soupir de lassitude. Tu sais qu’il te cherche, ça te décevrait presque sans ça. Mais quand bien même, tu ne cèderas pas sur ta propre règle.

Tu étires tes lèvres en un sourire quand il t’affirme que ça ne lui plaît pas.

- Parfait, donc j’ai bien travaillé, alors. Tu le taquines, mais tu sais bien que tout ça c’est ce dans quoi vous avez baigné longtemps. Tu n’as pas besoin de luxe pour vivre, bien au contraire, mais tu sais que les gens se complaisent dedans, marché privilégié pour un hôtel comme ça, à Londres. Tu acquiesces, assez satisfaite par sa constatation.

- C’est donc, en effet, un travail bien accompli. Tu veux visiter davantage ?

Tu ricanes. "Ton bel hôtel luxueux". Clairement, Edward ne peut pas deviner ce que tu ne lui as pas dit, mais ça t'amuse beaucoup de le voir réagir comme ça devant, oui, les allures de luxe de celui-ci. Tu secoues la tête.

- Excepté la terrasse ouverte ? Non, c'est non fumeur et ça respecte la loi là-dessus. Après tout le Royaume-Uni est assez strict sur ces règles-là depuis leur entrée en vigueur en 2007 et tu n'as pas envie de devoir mettre la clé sous la porte aussi sec.

La moue d'Edward te tire un sourire amusé et tu réalises que, quelque part, t'es toujours l'adolescente qui veut faire la tête brûlée et qui aime voir les règles ne pas être respectées. Mais tu as muri quand même, suffisamment pour savoir où dire stop et ce qu'il vaut mieux faire ou ne pas faire.

- Parfait alors, continuons ! dis-tu enjouée, sachant que tu as largement de quoi le surprendre pour la suite. Aloooors... commences-tu, complètement mystérieuse, pendant que tu le diriges dans l'aile droite du rez-de-chaussée. Comme St-Tropez n'a pas fait de moi un membre de la haute bourgeoisie ni quoi que ce soit, fidèle à mes principes... Tu marques une petite pause pour écarter tes lèvres en un sourire gigantesque. Ce n'est pas un vrai hôtel de luxe. Toute l'aile droite vers laquelle on se dirige est faite pour accueillir des gens qui n'ont pas les moyens de se loger et de se nourrir. Ton enthousiasme grandit encore en attendant de voir ce qu'il en pense. C'est un peu Archie et son frère qui m'ont soufflé l'idée, que les gens aient besoin pour une nuit ou de façon moins ponctuelle et plus récurrente. Et tout ça avec l'aide d'une asso du coin. Je t'avoue, je ne suis pas peu fière de cette mise en place. Tu n'en as pas énormément de mérite, étant donné que tu l'as évoquée pour la mettre en place mais ce n'est pas toi qui as fait le plus gros ici.

Tu as bien conscience que là-dessus, elle est loin là Johanne rebelle qui cherchait forcément la contradiction dans tout. Et même si t’es quelque part encore fumeuse, pour le coup tu n’as aucune envie qu’Archie vienne encore te chercher au commissariat. Déjà que t’avais aucune raison d’y être mais qu’on t’y a gardé contre ton gré sous prétexte que t’avais « la même tête » qu’une femme faite en portrait robot - tu sais pas s’ils ont conscience soit d’avoir une très mauvaise vue soit d’être sous substances, au commissariat, d’ailleurs - alors leur donner raison ? Ça non.

Tu vois bien à son air que ta « surprise » l’étonne. Même qu’il ne s’y attendait pas. C’est là que tu te mords la lèvre, plutôt satisfaite. Tu sais que tu as touché un point qu’il ne s’attendait pas à voir et ça te suffit à être satisfaite de ta journée, très honnêtement.

- Les grandes pontes, je ne sais pas, je ne m’attends pas à avoir la noblesse britannique qui loge par ici - surtout quand les gens réaliseront ce que j’ai fait et que mon père s’évertuera de nier tout ça - mais oui, l’idée c’est d’offrir un toit et de la nourriture à ceux qui n’en ont pas les moyens, pour leur donner l’occasion de s’en sortir vraiment. Pas juste « pour la forme » avec des foyers qui les virent faute de place quelques jours plus tard au lieu de les aider sur tout le processus pour s’en sortir.

Tu inspires profondément avant de reprendre.

- Ce n’est pas parce que j’ai grandi sans avoir jamais besoin de rien que je ne peux pas imaginer ce que c’est que de galérer.

Puis tu as voulu connaître cette vie, aussi. C’est bien comme ça que t’as connu Archie, alors que tu cherchais à t’émanciper de tout ça. L’odeur de friture qui t’accompagnait tous les soirs quand tu rentrais du restaurant rapide où tu bossais, tout ça. Bien sûr que non ça ne t’a jamais dérangée, mais quand même. L’idée est de permettre à ceux qui ont d’autres ambitions de les mettre en place et, ça, ça te tient à coeur.

Bien sûr que non, tu ne renonces pas à l'idée d'avoir un hôtel luxueux, mais pas pour les riches, très peu pour toi. Ironique quand on sait que t'es pas un membre de la classe populaire qui veut donner sa chance à ses semblables mais bien que tu veux partager tes privilèges avec ceux qui en ont moins ou, pire, qui n'en ont pas. Alistair risque de ne pas être très ravi...

Tu hoches la tête. C'est vrai qu'Edward a raison. Mais tu parles bien de galères financières ici, le genre que t'as pas vraiment connues, même quand tu travaillais au fast food dans l'optique de t'émanciper complètement. Ce que tu n'as jamais eu le temps de faire, au final. Parce que t'es partie et parce que... bref, on connaît l'histoire, désormais.

- Tu as sans doute raison.

Tu exploses de rire en l'entendant. Parfois, tu as tendance à oublier que jouer sur les mots peut porter à confusion ; avec Archie t'as tellement l'habitude que tu n'y fais plus attention, si bien qu'avec les autres non plus.

- Non, je ne vais pas personnellement leur tenir la main, non. Mais l'idée est qu'il y ait des gens, externes ou pas, qui les aide à se réinsérer correctement. Moi je ne serai que la directrice générale de l'hôtel. "Que", mais bien sûr, Johanne. Tu secoues la tête. Non, parce que sur le long terme la moula, comme tu dis, elle rentrera. Et l'idée de travailler avec des associations signifie subventions également. C'est pensé, en principe. Tu le regardes avec un petit sourire moqueur, plein d'auto-dérision. Pas que par moi, donc c'est forcément plus parfait que les plans foireux que je suis en mesure d'envisager.