Oh dis moi comment faire quand tout s’écroule autour de moi ? La télé meurtrière ne passe que des images de toi...

T’as pas beaucoup dormi, cette nuit. Comme à l’accoutumée, tu penses. T’es pas de ceux qui se couchent avec les poules ; plutôt de ceux bercés par le chant du coq après une soirée mouvementée à picoler et faire globalement tout ce qui leur passe par la tête. T’as la tête dans le pâté, la bouche pâteuse, t’as peut-être bu deux litres de flotte, avant de partir donner ton premier cours de boxe. Si bien que l’envie de pisser qui te monte à la gorge en arrivant et la barre que t’as à la tête t’annoncent que tu vas passer une journée de merde. Worthy. Cette nuit, t’as teasé, c’est vrai, mais t’es resté calme. Bien trop occupé à penser à Olive. A tout ce que t’aurais aimé lui dire, mais que tu ne diras pas : tu t’y es déjà risqué, et quand on voit le résultat… il est inutile de s’affliger plus de mal que ce qui préexiste. A moins que ça soit ton silence, qui te blesse le plus ? T’en sais rien. Entre le mariage, tes sentiments pour Olive et ta vie qui part en éclats, tu sais plus. T’as pas la force de cogiter, tu tentes juste de rattraper le moindre éclat qui partirait à la volée, et de le recoller aussi sec, histoire de garder ta vie aussi intacte que possible. Mais t’y crois plus. Tu sais qu’un égo déchiré ne reprend plus sa forme d’origine quand on tente de le recoller. Au mieux, y’a un bourrelet dans la couture grossière faite dans l’accro. Tu sais aussi qu’une vie brisée, c’est comme un miroir mais en pire : sept ans de malheur pour l’un ; jusqu’à la mort, pour l’autre. Tu sais pas ce que tu préfères. La seule certitude, dans le fond, c’est que chaque minute loin de Lynda, ta future épouse, te rassure et te rend heureux. Pas trop de chances d’être triste en journée, par conséquent. Tant que t’as ton sac de frappe…

Tu tapes dans ton sac, sans entrain véritable. Par l’immense vitre qui donne sur la rue, tu guettes l’arrivée de ton meilleur ami et t’impatiente presque. Tu soupires. T’as l’impression que ça dure des années et pourtant, le voilà qui pointe enfin le bout de son nez. Ça te soulage, tu sais qu’enfin, ta journée a une chance de n’être pas aussi moisie que prévu. Tu adresses un sourire à Sehun, retires tes gants et essuies ton front avant de venir le saluer comme il se doit. Mais tu sens que quelque chose cloche. Amicalement, tu presses son épaule dans ta main et lui adresses un sourire « Eh ben, ‘Hun ! T’as pas l’air dans ton assiette ! Qu’est ce qui t’arrive ? » tu l’écoutes. Il ne met pas longtemps pour passer à table et le voir dans tous ses états pour ça t’amuse : toi, c’est ton quotidien, ce genre de conneries. « oh c’est que ça ! J’ai cru que c’était grave ! Hey, respires ! Il était consentant, non ? » tu lui adresses un clin d’oeil et proposes « j’sens que ça t’impacte vraiment. Tu veux qu’on aille boire un café avant de passer aux choses sérieuses ? » tu désignais le bureau de Pete. Heureusement, ton boss avait toujours été compréhensif, le genre de gars pas trop chiant qui se contente que tu fasses ton taff sans poser trop de questions. Faut dire que c’était l’un des seuls qui t’avait tendu la main, quand t’étais arrivé plusieurs années plus tôt à Londres. Papa de substitution qui supportait tes caprices, te mettant quelques ‘Olas’ lorsque tes frasques empiètent sur ses plates bandes. Rien à signaler, tu le vois occupé, plus loin, de l’autre côté de la salle. Tu files dans le bureau et tu vous sers, tendant une des deux tasses à ton ami « hey. Respires. Ca va bien se passer, je te le promets. Vous devez vous revoir ? Il avait l’air comment, quand tu l’as quitté ? »

Tu sais ce qu’on dit : qui se ressemble s’assemble. Mais tu sais aussi que paradoxalement, ce sont les contraires qui s’attirent le mieux. Il n’y a qu’a voir ton attirance pour Olive, intacte depuis le premier jour, peut-être même exacerbée par le manque qu’avait causé son départ. Il n’y avait qu’à aussi, observer ta relation avec ton meilleur ami. Toi, tu pars du principe que donner raison à ses envies, quelles qu’elles soient, n’est pas un crime. Mais t’avais oublié combien lui pouvait se prendre la tête plus que de raison. Sans doute pour cette raison que tu aimais lui demander son avis : lorsqu’il réfléchissait à une problématique, il pensait à toutes les possibilités, même celles auxquelles tu n’aurais pensé sous aucun prétexte. Machinalement, tu lui proposes un café, mais te souviens qu’une fois encore, vous êtes différents jusqu’à ce que vous buvez… « erf. Tu vas définitivement me détester. J’ai pas de vrai thé, ici. J’peux te proposer… un sachet. Ou de l’eau. Ou… » tu fouilles dans le frigo, espérant que Pete ne capte pas que t’as clairement fait ton marché dans ses affaires « hey ! Il reste du multifruit ! Ça serait clairement meilleur avec un fond de rhum dedans, mais si ça te tente... » tu sors la bouteille et deux verres : boire ton café dans une tasse ? Mille fois trop mainstream, le premier contenant que tu trouvais à toujours fait l’affaire. Tu le sers, puis toi et t’adosse au bureau sur lequel ta main se pose « t’as tout dit : c’est un ancien patient. C’est pas parce que vous vous êtes connus dans un contexte que ça ne peut pas changer ! » preuve en est ta rencontre avec Olive : qui aurait pu dire que vous finiriez aussi proches, alors que tu lui apprenais à donner des droites ? « il n’est plus lié à toi par le secret médical. Le reste, ça fait partie de la vie ! Si ça vous fait kiffer, ça ne regarde que vous. Y’a pas de mal ! Tu te prends trop la tête ! » c’est même pas un reproche, juste un constat. Parfois, t’aimerais qu’il soit capable de s’en foutre, autant que t’aimerais être capable de plus de réflexion. Enfin, ça… ces derniers temps, tu peux pas dire que tu fais les choses sans réfléchir aux conséquences, tant celles-ci dirigent ta vie. Amical, tu tapotes son épaule « je comprends ce que tu dis. Mais persiste à croire que tu devrais vous faire confiance. Ce qui se passe à l’extérieur de ton cabinet te regarde, vous auriez très bien pu vous rencontrer dans d’autres circonstances ! Ce qui se passe entre vous ne regarde personne d’autre que vous. » tu lui adresses un clin d’oeil et trempes tes lèvres dans ton café. Tu grimaces et hausses les épaules « hey. L’erreur est humaine. T’as merdé une fois, ça arrive. T’as déjà le mérite de le reconnaître. Si tu savais le nombre de filles que j’ai fait pleurer et envers qui j’ai pas eu la force de m’excuser… Sehun. Je suis certain que ça va aller. Si il est encore là, c’est qu’il a accepté tout ça. Que vous avez géré ! Non ? »

Ce qui te différencie de ton ami ? Beaucoup de choses. En réalité, de l’extérieur, vous voir comme larrons en foire aurait pu en étonner plus d’un . Mais tu t’en fous du regard des autres. Mieux, tu l’emmerde. T’es pas du genre à regarder à la coupe de cheveux, aux origines, à n’importe quoi. En fait, à bien y réfléchir, c’est peut-être en s’inspirant de toi, qu’ils ont balancé leur slogan, chez Mcdo : venez comme vous êtes. T’aimes les gens quasiment instantanément et si tu n’aimes pas… on le sait rapidement ! Tu ne sais pas faire semblant. On te reproche parfois d’être bourrin. En fait, c’est plutôt que t’es cash. Pas tout à fait la même chose, on confond, souvent.

Tu comprends les états d’âme de Sehun. Tu les comprends, mais tu ne les partage pas. Pas parce que tu ne vivrais jamais ce genre de situation ; t’as beau ne pas être du milieu médical, t’as été le coach d’Olive, avant d’en tomber amoureux. Mais elle t’avait jeté. C’était de toi, qu’était arrivée la bombe devant laquelle elle avait pris la fuite purement et simplement. Pendant ces deux ans, t’avais décidé de sauver les apparences. Tu ne voulais pas qu’on te catalogue comme âme perdue, coeur d’artichaut ou autre connerie plus mièvre qu’un téléfilm de Noël. Erk. La réalité était toute autre. Tu avais eu quelques aventures, mais jamais rien de sérieux. Jamais rien qui ne puisse te faire oublier ta brune et qui, de toutes façons, t’empêcherait de te marier avec Lynda, que tu détestais par dessus tout. Putain, tu sais pas ce que t’as du faire dans une vie antérieure, mais t’as du mettre le paquet, pour avoir une vie aussi merdique en échange. Pensif face à ses mots, tu hausses les épaules « j’partage pas le point de vue. Mais je comprends. Écoutes. Je sais que c’est différent. J’suis pas médecin. J’suis… juste un connard qui met des coups de poings dans des sacs de sable. Mais si on en suit ton raisonnement, moi aussi, j’ai eu une posture d’autorité face à Olive. Je n’aurais pas dû lui parler de ce que je ressentais. Mais je sais aussi qu’on a qu’une putain de vie, Sehun. Mets pas ton futur ou tes envies à mal pour une putain de carrière. C’est pas elle qui va assurer ta vie personnelle. » enfin, d’un point de vue financier, oui. Mais d’un point de vue affectif, ça, c’est une autre histoire. Tu hausses les épaules. « Olive n’a pas voulu de moi. Mais vous deux, vous vous aimez. Alors reprends toi, bordel ! Tu sais les erreurs que tu as faites, et je te connais assez pour te dire que tu vas réussir à améliorer ce qui n’a pas marché. Une relation, ça tâtonne. C’est humain. Alors par pitié : construisez moi un truc qui vous rend heureux, qui vous convient, et qui dure ! Rends honneur à ceux qui se mangent des râteaux ! » tu réprimes un rire et prends une gorgée de ton café, un peu pensif quant à ta relation avortée, avec Olive. Tu regrettes, mais tu ne lui en veux pas. Aimer, parfois, c’est savoir accepter et laisser partir… et tu l’aimes toujours énormément. T’es personne pour vouloir la retenir.

Tu peux comprendre le trouble de ton ami. Mais tu sais aussi qu’il se prend beaucoup la tête, il veut tellement bien faire. Toi à ta place… non. En fait, tu ne peux pas te mettre à sa place, parce que t’aurais jamais eu ni les capacités ni la patience de devenir médecin et de te coltiner les états d’âmes de gens aussi paumés que toi qui attendent de toi que tu remettes de l’ordre dans leur vie alors que la tienne est déjà un champ de ruines. Tu hoches la tête « c’est absolument pas ce que je te dis, Sehun… ce que je veux dire, c’est qu’il faut faire la part des choses : tu as raison, ton métier te permet de vivre très bien et t’as une certaine déontologie à avoir. Et puis… te connaissant, sans parler de ça : plus que de la déontologie, on parle de tes valeurs, aussi. Tout ce que je dis c’est que ton métier interdit la proximité avec des patients actuels. Mais rien n’est précisé avec d’anciens patients, je me trompe ? Quand je te dis que tu te prends trop la tête, c’est tout simplement parce que je pense que le problème, en réalité… c’est que tu te mets trop la pression. C’est ta vie. Ton métier ne peut plus rien contre vous si tu ne le suis plus en tant que patient. » et pour couronner le tout, tu lui rappelles, amusé, qu’il a la chance que toi, tu n’as pas eue : gaspiller ça ? C’est inconscient. Tu secoues la tête. Tu sens bien que sa phrase est là pour combler le vide et pour te rassurer. Tu lui adresses un clin d’oeil « tout va bien. J’ai fait mon deuil. » vaste mensonge. Disons plutôt que tu t’es fait une raison, t’as mis du baume sur la plaie. « et puis, tu me connais. Je suis l’antithèse de la vie de couple. Ma condition me va très bien comme ça. » tu lui adresses un clin d’oeil bienveillant et prends une gorgée de ton café, puis regardes à travers la vitre. Dans la salle, pas un chat. [b] « on dirait qu’on a la salle pour nous ce matin. Ça te dit un peu d’entraînement ?

Alors que tu regardes ton ami se préparer pour l'entraînement, tu ne peux t'empêcher de sourire devant sa détermination. C'est un homme complexe, Sehun. Toujours prêt à donner des conseils avisés mais rarement disposé à écouter les siens. Mais aujourd'hui, quelque chose est différent.
Tu le vois, le changement dans ses paroles. Il est plus ouvert, plus heureux, même s'il ne l'admettra jamais à voix haute. Il a trouvé quelqu'un qui l'aide à équilibrer sa vie, à voir au-delà des murs qu'il a construits autour de lui pendant tant d'années.
En le voyant se plonger dans l'entraînement, t’es reconnaissant pour cette nouvelle étape dans sa vie. Il mérite le bonheur autant que n'importe qui d'autre, même s'il a parfois du mal à le reconnaître. Et si Junhyuk peut lui apporter ne serait-ce qu'une fraction de la joie qu'il semble lui procurer, alors je suis prêt à lui donner mon soutien inconditionnel.
Alors que nous nous entraînons côte à côte, je réalise que notre amitié est plus forte que jamais. Peu importe les hauts et les bas qu'il peut traverser, tu seras pour lui, comme il l'a toujours été pour toi. Et si Junhyuk est celui qui peut lui offrir le bonheur qu'il mérite, alors je l'accueillerai les bras ouverts dans notre cercle d'amis.
Alors que vous continuez votre séance, tu réalises que peu importe ce que l'avenir vous réserve, ton ami est entre de bonnes mains. Et s'il a trouvé l'amour dans les bras de Junhyuk, alors qui serais-tu pour le juger ? Après tout, le bonheur n'a pas de règles strictes, il se trouve là où le cœur le trouve. Et pour ton ami, tu sais que son cœur a enfin trouvé son chemin. Tu lui adresses un sourire et, entre deux frappes, lui lances, moqueur « faut vraiment que j’en prenne de la graine, hm ? C’est pas égoiste, de penser comme tu le fais. Tu penses à toi, c’est tout. Personne ne peut et ne doit te le reprocher. L’important, c’est que tu sois heureux. » oui, clairement. Tu devrais en prendre de la graine.

Dans ta tête se jouent des milliers de scénarios. Tu penses à Olive, comme souvent. Si Sehun est convaincu que tu joues les jolis-cœurs qui enchaînent les aventures sans lendemain, la réalité est toute autre. Parce que oui, tu aimes boire, prendre des drogues qui font toutes les lettres de l’alphabet, mais depuis qu’Olive s’est fait la malle, ton lit est vide, froid,sans émoi. Lit qui d’ailleurs s’est transformé en canapé, lit taxé par Lynda que tu vomis par sa stupidité et de son esprit vide. Bon, ok, peut-être que tu y vas un peu fort avec elle; rhabillée pour l’hiver qu’elle est avec les noms d'oiseaux que tu lui trouves de plus en plus facilement, de plus en plus piquants, signe de ton ras-le-bol envers cette situation. Tu pensais que tu supporterais, mais putain, quel nid à merde, ta vie !

A la limite de la dissociation, tu t’accroches aux mots de Sehun. Tu ne sais pas d’où il a pu tirer la conclusion que tu te tapais tout ce qui bougeait, tu te dis que ça va sans doute bien avec ce que tu dégages. Quelque part, tu préfères ça, plutôt qu’on puisse te penser petit cœur déchiré par l’absence de la seule qui ait pu le mettre en cage. Tu soupires et hausses les épaules, faussement blasé  “t’inquiètes pas pour moi, mec. Tu me connais. ça va.” même quand ça va pas, ça va, avec toi, c’en est presque affligeant. Tu hoches la tête et souris  “t’es pas mauvais, niveau conseils, tu sais ? on t’a déjà dit que tu devrais faire psy ?” tu ricanes et regardes l’heure, presque étonné de déjà voir certaines têtes “merde… déjà ?! que tu lances surpris. L’heure pour toi de filer pour donner ton premier cours de la journée. Tu t’excuse auprès de ton ami et files à l’anglaise, lui promettant de le recontacter le soir même: tes potes, c’est bien plus que ça: ta famille, tes piliers.