Il avait tout de même fallu que tu sois dans un putain de sale état, pour que tu en arrives à faire appel à ses services. Bien évidemment, t’avais jamais pensé à passer à l’acte avec Jae. Pas qu’il ne soit pas bel homme, il était d’ailleurs assez mignon : ça ne t’avait pas surpris, qu’il puisse avoir du succès. Mais t’étais pas le public cible, de base. Simplement un type trop orgueilleux et honteux pour daigner aller chercher l’aide là où elle est réellement : t’avais pas besoin de cette compagnie, mais bien d’un putain de psychologue. Et pourtant. Aussi bizarre que ça puisse paraître, tu regrettais pas cette décision, prise dans un soir de grande détresse. Jae’ était l’un des trucs qui t’étaient arrivés de mieux et quoi qu’on en dise, quoi qu’on en pense, il avait quand même sacrément contribué à te faire remonter la pente… Pourtant, au départ, c’était mal barré. Tu te souvenais de cette première fois, gênante au possible. Quand il t’a demandé ce que tu voulais, que t’as dit que tu voulais parler mais qu’aucun mot ne sortait. Moment lunaire, complètement surréaliste, mais qui, pourtant, te correspondait tellement : t’avais besoin d’un ami là, tout de suite… et t’avais paniqué. Aujourd’hui, cette gêne n’était plus si présente. T’avais toujours la même pudeur, la même difficulté à te mettre a nu.

Mais aujourd’hui, c’était pas dans un moment de faiblesse, que tu avais proposé a ton ami de te retrouver dans un parc. Moment tranquille pour une annonce qui te brûlait les lèvres : Lyanna. Ca t’était tombé dessus, tu l’avais pas vu venir, mais elle était là, bien installée dans ta vie… suffisamment pour que tu veuilles en parler à ton entourage: tu détestais les gens ? Certes. Mais il y avait visiblement des exceptions qui confirmaient la règle : Jaemin, ton fils et elle étaient ton havre. Lorsque t’avais vu le jeune homme pointer le bout de son nez, tu t’étais levé de ton banc et, lui avais adressé un sourire « salut fiston ! » amusé, tu lui avais adressé une tape amicale sur l’épaule avant de t’asseoir avec lui « c’est gentil d’être là ! J’avais envie de te voir. Promis ; j’ai pas besoin d’un psy, pour une fois ! » tu te mis à rire légèrement « j’avais juste envie de te voir ! » clin d’oeil adressé à celui que tu considérais maintenant comme un second fils, tu demandais, particulièrement enthousiaste : « alors, qu’est ce que tu racontes, mon Jae’ ? »

Toujours aussi classe, ton petit protégé. Le voir débarquer avec son blazer revisité et ce haut destructuré te rappelait combien tu n’y connaissais absolument rien à la mode. Mais dans le fond, tu t’en foutais pas mal : ton truc à toi, c’était les jeux vidéos, pas besoin d’être tiré à quatre épingles pour pouvoir coder, tu préférais le confort à l’apparat. Heureux de retrouver ton ami, tu secouais la tête en riant « je sais bien ! Mais… ça ne peut pas toujours aller mal, tu crois pas ? Bon, ok, c’est parce que je déprimais qu’on s’est rencontré, donc quelque part, ça peut être une bonne chose. Mais j’avais juste envie de prendre de tes nouvelles et de passer un peu de temps avec toi. Ca fait un bail ! » tu lui adressais un clin d’oeil avant de passer au vif du sujet : comment il allait, son actualité, bref, tout ce que tu avais pu rater en restant confortablement loti dans ta grotte. Tu l’écoutais, plus vraiment surpris par ce type de déclarations qui, il y avait quelques mois t’auraient peut-être fait t’étouffer avec ta limonade. Pas par leur sujet, tu t’en fichais pas mal de l’homosexualité de ton ami. Enfin non. « s’en foutre », ce n’était pas le mot. Parce que pour toi, il avait de la valeur, une importance à tes yeux. Cependant, tu n’avais pas ton mot à dire sur les personnes qu’il pouvait avoir dans son lit ou avec qui il passait du bon temps : du moment qu’il était heureux, ça te suffisait. Ok, c’était vrai : en tant que père et son âge avoisinant celui de Marvin, dire que t’étais jamais inquiet pour lui aurait carrément été mentir. Mais c’était sa vie, pas la tienne : tu t’étais promis de rester présent pour lui, comme un ami, un frère ou un père, sans jamais interférer dans ses petites affaires tant qu’il ne lui arrivait rien. Mais gare à qui lui ferait du mal… Tu savais être un véritable connard, quand tu t’y mettais. « j’suis content que tout roule pour toi Jae’ ! Sincèrement ! » sourire aux lèvres, tu marquais une pause, entrecoupée par un rire presque surpris qu’il ait pu lire en toi comme dans un livre ouvert aussi facilement « on ne peut rien te cacher, à toi ! En effet. Je vais très bien ! J’ai terminé mon dernier projet pas plus tard qu’hier, j’en suis fier ! Et puis… Je crois que… Tu vas être fier de moi. J’ai suivi tes conseils et ça paye : je suis sorti de ma grotte. » tu ricanes. Pas exactement. En fait, c’est même parce que Lyanna jouait au même jeu que toi que vous vous étiez rencontrés. Mais tout de même, tu avais conclu un rendez-vous avec elle, pour les répéter si bien que maintenant, on pouvait clairement vous qualifier d’inséparables. « et… Il se pourrait que j’aie rencontré quelqu’un. » « il se pourrait ? » non. T’en étais sûr. Mais t’avais encore du mal à réaliser, tant il était difficile pour toi de l’imaginer, il y avait encore quelques semaines de cela. En prononçant ces mots, tu te mis à rire légèrement : putain, tu faisais vachement bien l’ado gêné, même sans faire exprès ! Tu sortais ton téléphone de ta poche et montrais ton écran de verrouillage à Jae, une photo de vous deux « regardes, c’est elle ! Elle s’appelle Lyanna ! »

T’as hoché la tête. Oui, il avait raison. Ces dernières semaines, ça avait été de la folie. Tu n’étais pas franchement habitué d’ailleurs puisqu’en temps normal, tes journées se résumaient à beaucoup de geekage : concevoir, coder et mettre en forme les jeux que tu imaginais pour ensuite, sur ton temps de libre les essayer en bêta testeur en quête d’un bug ? C’était tout un programme. Ce qui avait souvent fait marrer ton fils, Marvin quand il essayait de te battre sur ton terrain de jeu : meilleur que lui ? Monde à l’envers. Fallait dire que toute ta vie depuis la mort de sa mère s’était articulée autour du jeu vidéo : quand la vie réelle est merdique, le virtuel est salvateur. T’aurais pensé que c’était des conneries, mais pour l’avoir expérimenté… tu finissais par te dire que finalement, il n’y avait que les idiots, qui ne changeaient pas d’idée. Et puis, même Lyanna, tu l’avais rencontrée sur un jeu en réseau. Preuve ultime, non ? À la remarque de Jae, tu réprimes un rire « tu sais moi les femmes... » aussi vrai que, te concernant « tu sais, moi, les grosses bagnoles... » ce qui te fait penser que finalement, chacun avait ses lacunes quelque part. Ca t’amuse, tu souris et hausses les épaules à la question fatidique. Lui en dire plus ? Merde. T’aurais pu t’attendre à cette question et pourtant maintenant que tu es face au fait accompli, t’as rien qui te vient. Tu réfléchis. T’as peur tout d’un coup de paraître trop nian-nian. De donner l’impression d’oublier Ally, que tu ne pourrais jamais oublier malgré tout. « ça fait quelques semaines qu’on s’est rencontrés, avec Lyanna. Et devines quoi ? J’ai pas appelé un site d’escort pour me rassurer et avoir quelqu’un à qui parler, cette fois. » quel move de merde, quand t’y repensais. Mais tu ne regrettais pas le moins du monde, puisqu’il t’avait permis malgré tout de rencontrer ton ami. « en fait… Je crois que c’est une geek elle aussi. On s’est rencontrés sur le même serveur de jeu : elle jouait un mec giga baraqué, moi une elfe avec une énorme paire de seins… on était faits l’un pour l’autre, non ? » tu pouffais de rire tant ça n’avait aucun sens. « On a beaucoup discuté par le chat du jeu. Elle était cool et on a décidé de se voir, sauf que… je pensais rencontrer un gars de ma trempe, quand je suis allé dans ce café. Et elle « une copine ». C’est con, non ? On a attendu comme ça tous les deux longtemps et c’est elle qui a fini par m’adresser la parole. Le coup classique « vous aussi, on vous a posé un lapin ? » et finalement, en discutant, on s’est rendu compte qu’on s’attendait mutuellement. Depuis, je dois dire qu’on s’est plus vraiment quittés. C’est simple, drôle, on a envie de se voir on se voit. J’ai pas peur d’être ridicule pour la première fois depuis des années. » que t’as fini par avouer, un léger sourire aux lèvres avant de relever ton regard sur Jae’ « voilà. Globalement tu sais tout, mis à part ce qu’on fait au lit, et crois moi sur parole quand je te dis que cette femme est incroyable. » tu te mis à ricaner, satisfait de ta blague qui n’en était pas tant et lui adressais un clin d’oeil.

Content pour toi ? En vérité, c’est sans doute tout ce que tu avais envie d’entendre. Pas seulement de Jae, mais aussi de Marvin, à qui tu n’avais pas encore osé dire ce qu’il en était vraiment pour Lyanna et toi : elle était définitivement plus qu’une simple amie. Tu hoches la tête à sa remarque et souris. Comme il dit : tout se passe à merveille, et à vrai dire, t’es plus vraiment habitué à ça. Tu arques un sourcil et réprimes un rire « erk. Etrangement, cette image me fout moi aussi des frissons » tu toussotes légèrement, amusé. Ca ne t’a jamais dérangé outre mesure, que Jae puisse te parler de ses aventures sexuelles, seulement sur le coup, t’as été un peu pris au dépourvu : pas merci pour l’image mentale. Tu ris et secoues la tête « non, elle n’a pas d’enfants. Ou bien elle les a bien cachés ! » tu lui adresses un clin d’oeil amusé et mordilles ta lèvre inférieure « plus sérieusement, il n’y a que Marvin. Ce qui en soi, n’est pas vraiment un problème : il est majeur et vacciné, maintenant ! » un peu comme Jae, qui a sensiblement le même âge. Mais alors pourquoi est-ce plus difficile à lui dire, à lui ? Probablement parce qu’il est ton fils ; qui plus est, la seule chose qui te reste de commun avec Ally. Amusé, tu pinces sa joue comme le feraient les grand-mères, et tu lances, d’un ton enfantin « mais bien évidemment que je lui ai parlé de toi mon fiston ! Et… de Marvin, aussi ! » que tu ajoutes avant de poursuivre, moqueur, lâchant sa joue « pas de jaloux ! Et puis… tu sais très bien que le sexe, c’est pas le premier truc qui m’intéresse, n’est ce pas ? » référence à la première nuit de votre rencontre, tu te demandes encore comment Jae a accepté de rester avec toi, vieux bougon pleurnichard rabougri sur un coin de son lit.

Parler de sexe ? Marrant entre amis, lors d’une soirée trop arrosée, gênant en famille ou en état de sobriété. C’est vraiment pas ton truc. Parce que naïvement, tu te dis que quand tu vois un ami, ce n’est pas pour lui balancer du grivois à tout bout de champ. Et puis sans parler de ça, t’as jamais été à l’aise pour parler de ton intimité avec qui que ce soit, à peine avec la mère de ton fils, c’est dire. Chose qui a d’ailleurs empiré avec sa disparition ; à se demander comment tu as pu, par chance, attirer Lyanna. Tu mordilles ta lèvre inférieure et ricanes légèrement « je te crois sur parole ! » que tu te contentes de lancer, sobrement. A sa question, tu restes con. Parce que très naïvement, tu ne t’étais jamais posé la question. En même temps, c’est trop tôt. Toi ? Dire que c’est trop tôt ? Tu le sais : c’est drôle à entendre, quand on sait que t’as eu Marv’ à seize ans. Mais justement. Si tu ne regretteras jamais d’avoir eu ton fils, la meilleure chose qui te soit arrivé dans ce bas monde ; t’es pas particulièrement pressé de réitérer l’opération pour autant : t’as tellement bien réussi le premier, un remake serait un non sens. Tu hausses les épaules « honnêtement, on en est pas à se poser cette question, ça fait simplement quelques semaines. J’ai envie de prendre mon temps, cette fois. Et puis… si elle en veut et que c’est plus possible… Tu sais que l’adoption existe ! Ça ou… la congélation d’ovocytes… y’a plein de solutions. » et puis t’exploses de rire « Nom de dieu, Jae, mais tu dormais en SVT ? C’est pas possible ! Bon ok. Cour rapide : généralement, la ménopause ça arrive vers les cinquante ans. » tu ne dis rien, mais tu réalises que toi, t’es pas si loin de l’andropause. RIP ta jeunesse. « ceci dit, plus une femme avance en âge, plus il y a de risques de complications. Ce qui veut donc dire que bien que ce soit techniquement possible, la grossesse à 47 ans, c’est pas forcément une bonne idée. » tu mordilles ta lèvre inférieure. Bien évidemment que non, tu n’en as pas parlé à Marv’. Parce que tu sais l’impression qu’il a de trahir sa mère lorsqu’il a du mal à aller se recueillir avec toi. Et parce qu’à ton tour, t’as aussi cette impression de la mettre à la poubelle, direction les oubliettes alors qu’elle était tout pour toi. Tu te sens dégueulasse. Mais tu sais que c’est un passage nécessaire, que rester seul toute ta vie n’est pas la solution, si ce n’est pour te rendre malheureux et ne pas profiter de tes belles années. T’en as déjà suffisamment gaspillé. Tu soupires et tu secoues la tête « j’attends de voir si ça tient. J’ai pas envie de le blesser pour rien. Marv’, c’est ce que j’ai de plus important dans la vie. Je supporterais pas de le voir claquer la porte pour de mauvaises raisons. » tu hausses les épaules. « malheureusement pour moi ? J’ai pas particulièrement envie d’essayer. J’suis très bien là où je suis, ton témoignage me suffit ! » tu lui adresses un clin d’oeil amusé et tu t’étires, avant de regarder ta montre « ça te dit un café ? Je commence à cailler. C’est la vieillesse. » amusé, tu regardes dans tes poches pour t’assurer d’avoir assez de monnaie sur toi.

Alors que vous vous dirigez vers le stand de boissons, tu remarques le sourire espiègle sur le visage de ton ami. Son regard pétillant trahit son envie de taquinerie, mais il y a aussi une lueur de complicité entre vous, forgée au fil de votre amitié.
La chaleur du café fraîchement préparé se mêle à l'odeur réconfortante du chocolat chaud qui s'échappe des tasses. Les bruits du parc semblent s'estomper autour de vous alors que nous nous retrouvons dans notre bulle, échangeant des mots et des regards complices. « En ce qui concerne l'andropause, oui, je suppose que je m'approche de cette étape de ma vie. Mais tu sais, vieillir n'est pas forcément une mauvaise chose. C'est juste une autre phase de l'existence, avec ses propres défis et ses propres plaisirs. Tant que je peux profiter de la vie et être entouré de personnes comme toi, je suis sûr que je trouverai toujours de la joie dans chaque journée qui passe. » tu réprimes un rire et arques un sourcil « eh, on y aurait cru, hein ? J’fais vachement bien, le vieux sage ! Bullshit. Andropause ou pas, je serai toujours jeune dans ma tête ! » tu ricanes et lui adresses un clin d’oeil, et puis tu réfléchis Il est vrai que j'ai le droit de poursuivre ma propre vie, même si cela peut parfois causer des frictions. Mais tu sais, les relations familiales sont souvent complexes et il faut du temps pour les comprendre pleinement. Je suis sûr que, avec le temps, Marv et trouverons un équilibre qui fonctionne. Je veux dire : avec Lyanna. Je sais qu’il est intelligent, mon fils. Ça va le faire. En attendant, je suis reconnaissant d'avoir ton soutien et tes conseils. Tu es comme un fils pour moi, et je veux que tu saches que tu peux toujours compter sur moi, que ce soit pour discuter de sujets sérieux ou simplement pour partager un moment de convivialité autour d'une tasse de chocolat chaud. » enfin du moins, t’essaies de t’en persuader, pour ton fils. T’as surtout peur de lui faire du mal à Marvin. Une légère brise fraîche traverse ton manteau, rappelant doucement que l'hiver est toujours bien présent à l'extérieur. Pour un instant, t’es simplement reconnaissant d'être ici, en compagnie de Jae, partageant des moments simples mais précieux. Si vous êtes différents à bien des égards, c'est précisément ce qui rend votre lien si spécial.