Can I help in any way?

feat. @Tao Liu ☾

Cette association, c’était la première fois que j’y mettais les pieds, si on enlevait les quelques fois où j’étais venu discuter avec sa fondatrice, mais hors des heures de rendez-vous ouverts aux membres de l’association. Je devais dire que pour le coup, ça m’angoissait un peu. Alors bon, peut-être qu’angoisser n’était pas le terme adapté, mais disons que je ne pouvais pas m’empêcher de me demander si ma place était ici. J’en avais entendu parler plusieurs fois, à la station, après le départ d’une de collègues qui, en plus de ses heures à la station, supervisait l’association. Après son départ, il avait été question de trouver quelqu’un pour la remplacer, histoire de ne pas laisser cette association sans force de police et, je dois le dire, je ne m’étais pas proposé directement, et ça c’était pour deux raisons. La première, c’est que je n’étais pas dans le coin depuis bien longtemps, c’est-à-dire depuis à peine plus d’un an. A mes yeux, il était évident que notre patron voudrait quelqu’un qui était là depuis plus longtemps, quelqu’un qui pourrait peut-être être plus facilement considéré comme une personne de confiance auprès des personnes de l’association. La deuxième raison, c’est que si j’avais été victime ou témoin de plusieurs violences, les violences sexuelles ne faisaient pas partie de ces dernières. Donc, automatiquement, je me demandais qu’elle était ma légitimité à rejoindre une association pareille, même si c’était uniquement dans le cadre de la supervision. Est-ce qu’il ne serait pas mieux que ça soit quelqu’un qui connaissait d’autant plus ce genre de sujets ? Bref, au premier abord, j’avais l’impression que ma place n’était pas là-dedans, mais plus par envie de bien faire qu’autre chose. Mais finalement, ça avait fini par changer. On nous en avait parlé à un second briefing, puis à un troisième, nous précisons que finalement, seul un petit nombre de mes collègues s’était proposés et, cette fois, ça avait réellement planté une graine dans ma tête. Cette graine, elle a germé assez vite, pour ne pas dire très vite et, quelques jours plus tard à peine, j’étais dans le bureau de mon propre patron, proposant de superviser l’association. Si une partie de moi doutait toujours de la place que je pourrais me trouver là-bas, la partie de moi qui voulait aider était bien plus grande et, évidemment, avait su se faire entendre, autant auprès de moi qu’auprès de mon supérieur.

C’est comme ça que, par la suite, j’avais été amené à rencontrer la fondatrice de l’association. Il était question de voir si le courant passait -ce qui était parfaitement normal-, mais aussi et surtout de faire connaissance et de commencer à réfléchir à comment on s’y prendrait. On m’avait passé les dossiers de ma collègue, à minima ceux qui n’étaient pas considérés comme étant les plus sensibles et, une fois que le temps était d’autant plus passé, j’avais pu mettre les pieds là-bas un jour d’ouverture et, surtout, un jour où un groupe de paroles se réunissait. J’étais resté légèrement en retrait, préférant ne pas rejoindre le cercle de façon directe, histoire de ne pas causer d’incertitudes auprès de qui que ce soit. Celle qui dirigeait le groupe de parole m’avait présentée et, pour le coup, tout s’était très bien passé. Certaines interventions avaient mené à des questions auxquelles j’avais pu répondre et, si les histoires que j’entendais étaient loin d’être positives ou joyeuses, j’avais fini par m’apaiser. Le simple fait d’assister à un de ces groupes de parole, même si ça me perturbait psychologiquement, me permettait d’avoir confirmation que oui, peut-être bien que je pouvais trouver ma place ici, ne serait-ce que parce que je pouvais me retrouver à me montrer utile. La session s’était finalement terminée et, comme toujours, un buffet avait été ouvert pour que les membres de l’association restent s’ils le souhaitaient, sans pour autant que ça soit obligatoire d’une manière ou d’une autre. Au moment du buffet, je m’étais rapidement servi un café avant de me mettre en retrait, passant d’abord quelques temps à discuter avec la gérante du groupe de parole avant de finalement me rendre plus disponible, à minima à ma manière. Nombreux étaient les membres de l’association qui ne me regardaient pas, restant plongés dans leurs pensées ou dans leurs propres discussions, mais certaines personnes me lançaient quelques regards qui étaient, en général, des regards plutôt curieux mais aussi, dans certains cas, dérangés. Je ne saurais pas dire à quoi c’était lié, et je n’irais pas non plus prétendre pouvoir le deviner, mais disons que ces personnes-là, je préférais ne pas les approcher, histoire de ne pas causer de problèmes. Mais au fur et à mesure du temps qui passait, j’avais fini par décider de potentiellement approcher certaines personnes. Difficile de vraiment savoir comment m’y prendre mais.. Ouais, je préférais le faire. Alors je m’étais dirigé vers un jeune homme qui était seul, un peu en retrait du buffet. J’avais finalement hésité quelques secondes de plus avant de finalement me diriger avec lui, préférant me faire remarquer histoire de ne pas potentiellement le surprendre. Arrivé sur place, et une fois que j’étais certain qu’il m’avait déjà remarqué, j’avais décide de prendre la parole. « Bonjour. Désolé de vous déranger, je voulais simplement me présenter. » C’était un peu idiot, considérant que ma « collègue » l’avait déjà fait. M’enfin. « Je suis Steven Newman, je travaille avec la police. C’était juste pour vous dire que si vous avez besoin de quoique ce soit, n’hésitez pas à venir me voir. Ce n’est même pas obligé de finir en plainte ou quoique ce soit, c’est plus si vous cherchez à avoir des renseignements, ou quelque chose du genre. » C’était.. Pas si mal ? Ouais, peut-être, à voir comment il réagirait ou répondrait.

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Bien rapidement, je me demande si j’ai bien fait de m’approcher de lui. Peut-être que j’aurais dû rester dans mon coin et attendre que quelqu’un se rapproche de moi, quitte à prendre le risque que ça n’arrive pas. Le fait que le jeune homme présent en face de moi -Tao, apparemment- est mal à l’aise crève les yeux, pour ainsi dire, si ce n’est plus. Ce n’était pas mon objectif, au contraire. D’un coup, je suis bien forcé de me rappeler pourquoi j’ai hésité à me proposer pour ce « job », parce que le fait que je ne sois pas la personne la plus adaptée pour ce lieu est assez.. Evident, disons. Mais je m’étais engagé et, assez franchement, une partie de moi voulait me prouver que j’avais bien fait de le faire. Ceci dit, je ne suis pas certain qu’écouter mon égo soit la meilleure chose à faire actuellement. Après tout, les membres de cette association étaient la priorité et, par conséquent, ils étaient également la mienne. Alors je me contente d’espérer que je n’ai pas dépassé une quelconque limite et, quand le jeune homme me répond, je suis incapable de dire si je l’ai dépassée ou non. Alors je me contente d’acquiescer. « Aucun problème. De toute manière, il n’y avait rien d’obligatoire, ce n’était qu’une simple proposition. » Je mentirais si je disais que sa réponse ne me laissait pas un goût amer dans la poitrine, mais ce n’est pas tant à cause de son refus, mais plutôt à cause d’une partie des raisons qui l’encadrent. Je ne peux pas prétendre avoir déjà compris toutes ces histoires de délais pour porter plainte. Est-ce que ce n’est pas déjà assez difficile de devoir porter plainte en soi-même ? Je ne l’ai jamais fait, mais les victimes que j’ai eues de l’autre côté de mon bureau étaient généralement déjà bien atteintes psychologiquement par le fait de devoir raconter ce qu’elles avaient pu vivre. Alors devoir réfléchir à si l’on a encore le droit de le faire… Bref. Mais je n’en dis rien, en grande partie parce que ce n’est ni le lieu, ni le moment. Et puis surtout, je ne suis absolument pas là pour ça.

Je suis finalement surpris quand il reprend la parole, me retenant de grimacer face à sa question. « J’ai remarqué certains regards, oui. » Je ne peux que difficilement prétendre être parfaitement conscient de l’origine de ces derniers, mais disons que je suis à même de comprendre qu’aux yeux de certaines personnes, me voir ici ne soit pas particulièrement simple. Mais au final, je n’ai pas besoin de demander quoique ce soit -à vrai dire, je ne sais pas si je l’aurais fait- parce que Tao reprend la parole. Je sens ma gorge se serrer, me retrouvant rapidement mis face à une des raisons principales pour lesquelles j’avais hésité à me proposer en premier lieu. J’aimerai pouvoir prétendre que le fait de porter un insigne des forces de l’ordre pourrait rassurer les membres de l’association, mais je ne suis que bien trop conscient du fait que ce n’est pas le cas et, considérant ce qu’on a tous eu l’occasion de voir dans les journaux ou aux informations, je ne peux que comprendre pourquoi. Je me retiens finalement de soupirer face à sa remarque, finissant par reprendre la parole. « Je ne peux pas vraiment prétendre pouvoir comprendre, mais ça ne me surprend pas, disons. Je sais que c’était une femme qui avait ma place par le passé et je me doute bien que c’était bien plus simple pour vous tous. » Evidemment, les femmes aussi peuvent être craintes, comme Tao le dit si bien, mais il est évident que généralement, ce sont les hommes qui sont craints. « Et je me doute bien qu’il faudra du temps avant qu’on envisage de me faire confiance, ça ne me dérange pas. J’espère juste que ça finira par arriver, parce que mon but n’est pas de retourner le couteau dans la plaie de qui que ce soit. » Je n’irais pas jusqu’à le dire devant cet inconnu qui, dans le fond, n’avait absolument rien demandé, mais si les choses ne s’arrangeaient pas après plusieurs séances, peut-être bien que je laisserais tomber et que je demanderai à quelqu’un d’autre de la station -cette fois une femme- de prendre ma place. Mais ce n’était pas la peine de déjà y penser, il était bien trop tôt. C’était la première fois que je venais ici, il serait idiot de ma part de demander à ce que tout le monde m’accepte aussi rapidement.