Tu fulmines. ENCORE ! Après Eros qui t'a foutue dans la merde à vouloir apposer sa patte à ton dernier tag et qui t'a ralentie dans ta course pour t'échapper, nouveau règlement de compte. L'école d'Arts à peine commencé, t'as voulu simplement mettre en pratique ce que t'as appris. Mais là, ça commence à faire beaucoup. Cette fois-ci, t'as fini au poste. Toute penaude face à Enola, t'as eu la trouille de la décevoir complètement. Avec tout ce qu'il s'est passé depuis tes dix-huit ans, ce cadeau d'anniversaire impromptu qu'elle t'a fait en te proposant de rejoindre la famille via une adoption. Bien sûr, t'as espéré toute ta vie d'être adoptée, peu importe par qui, et maintenant que tu es majeure, ça paraît dérisoire. Mais avoir une famille, une vraie famille, sur qui compter, c'est plus important que tout à tes yeux. Les Simmons ont toujours représenté beaucoup à tes yeux et ont toujours eu le rôle de famille pour toi, mais pouvoir les associer officiellement à tout ça, c'est tout ce dont t'aurais pu rêver.

Tout ou presque. Parce que même à l'écart du groupe, les remontrances de Gaïa sonnent encore à tes oreilles autant que ça voix pleine de remontrances. Tu l'as mérité, tu sais. Tu aurais dû savoir que tu ne serais pas épargnée. La première fois, son savoir de vos déboires à Eros et toi lui était revenu aux oreilles parce qu'on vous avait identifié.e.s comme étant un membre de ce crew d'artistes de rue. Tagger ne fait pas de vous des persona non grata, mais le faire en dehors des champs autorisés et qui plus est sur un territoire potentiellement "ennemi", ça n'aide pas exactement à rester dans les bonnes grâces de la tête de votre crew, clairement. Que tu aies fini au poste, en étant majeure qui plus est... ça, c'est pire. Parce que tu sais très bien que sans son intervention, tu y serais certainement et on ouvrirait un casier judiciaire encore vierge pour le remplir et le noircir. Brrr, cette simple idée t'en donne le tournis.

Le groupe s'est dissous en un rien de temps après tout ça et t'es partie marchée le long de la Tamise pour te calmer un peu, venant t'asseoir à proximité de l'eau une fois que t'en as eu marre de marcher. Bref, du Alys tout craché, en somme. L'envie de pleurer en réalisant que t'aurait pu tout risquer s'insinue au creux de ton ventre et tu prends conscience de tout ce que, finalement, tu as à perdre : l'école d'arts, l'adoption, la tranquillité et même Samaël, qui est devenu ton quasi colocataire et à qui tu ne voudrais pas causer plus de souci. A bien des égards, ce n'est pas beaucoup, mais à tes yeux, toi qui pensais encore n'avoir rien un an plus tôt alors que tu fêtais ta majorité, c'est énorme.

Tu soupires et te laisses tomber en arrière ; suffisamment doucement pour ne pas te frapper contre les cailloux mais suffisamment lourdement pour les ressentir contre tes mains, qui protègent l'arrière de ton crâne. Un petit sourire s'affiche sur ton visage quand tu remarques que tu n'es plus seule. Liam est là, ses pieds pas si loin de ta tête, une expression indéchiffrable sur le visage.

- Tu viens profiter du soleil, toi aussi ? dis-tu légèrement. S'il est dupe alors il est plus naïf que tu ne le pensais. Malgré ton ton, ton visage a du mal à se détendre et tu n'es pas du genre à partir pour rien ; l'eau te permet de te calmer. Puis pour le reste, pour une fois qu'il fait un peu soleil, ta vanne passe quand même pour n'importe qui n'ayant jamais passé son temps avec toi.

@Liam Winchester

C'est pas juste, mais tu sais que Gaia ne fait pas ça pour t'embêter. C'était à toi de calmer tes envies, ne pas essayer de mettre en place tout ce que tu apprends en école d'Arts, et c'est ainsi. Seulement, ce n'est pas la première fois qu'elle te remonte les bretelles. Dans l'année écoulée, si, puisque la dernière fois, tu étais encore mineure et tu as essuyé la volonté d'Eros de s'attarder là où toi tu voulais fuir. Sauf que là, t'étais seule. Là, t'es majeure. Et cette fois-ci, tu t'es fait arrêter. Bien sûr, c'est pas la première fois que tu passes par l'arrêt poste de police. Mais c'est la première fois que tu y passes en étant majeure. Et déjà la dernière fois où tu y as été Gaia t'avait mise au fait : il est plus facile de sortir un mineur du poste sans que quoi que ce soit ne soit inscrit dans son casier qu'un majeur. Et tu sais que cette mise au point et cette remontée de bretelle est aussi là pour ça. Parce que tu n'as pas écouté.

Pourtant, quand tu vois Liam, ta tête au sol, tu ne ressasses plus tant que ça. Tu hausses un sourcil. Liam, inquiet ? Pour toi qui plus est ? tu n'aurais jamais pensé vivre un jour sur cette terre avec cette vérité. Parce qu'à tes yeux il est très indépendant, assez détaché de tout et c'est sans doute pour cette exacte raison que tu essaies de te calquer un maximum sur lui au sein du crew. Tu te redresses à peine quand il fait le choix de s'asseoir à côté de toi, utilisant tes coudes pour te retenir et ne pas te retrouver à faire l'exercice le plus compliqué qui soit de reposer uniquement sur tes à peine inexistants abdominaux.

Tu fronces les sourcils.

- Eros ? demandes-tu, incrédule. Comment ça, pris pour son grade ? La dernière fois, c'était il y a plus d'un an et tu ne vois pas ce que Gaia aurait à lui reprocher sur ton séjour au poste. Tu souris et ricanes. Je pensais qu'avec le temps, c'était clair pour tout le monde ; j'ai besoin de personne pour me foutre de la merde. Et surtout pas d'Eros même si, oui, l'année passée, c'est clairement son manque de réactivité qui a bien failli vous coûter, mais vous ne vous étiez pas fait.e.s arrêter, juste remarquer.

Tu le regardes un instant, l'air sérieux, le scrutant sans vergogne. Puis tu souris.

- Ouais, c'est la première depuis mes dix-huit ans. Et pourtant, voilà un mois déjà que t'en as dix-neuf. Comme quoi tu as su te tenir à carreau. Tu hausses les épaules. C'est... comme les fois précédentes, sauf que Gaia gueule plus fort qu'avant, désormais. T'aurais eu tendance à dire que ça ne te fait ni chaud ni froid mais c'est faux. Chaque remontrance te fait bouillir de colère que tu ressens autant envers Gaia que toi-même. Enola et Maya risquent de ne pas te pardonner de si tôt si ça vient à leurs oreilles.

T'es un peu incrédule quand il mentionne Eros. Oui, Gaia l'a mentionné, mais uniquement pour l'exemple de ce qu'il s'est passé il y a plus d'un an. Cette fois, tu étais totalement seule et Eros n'est pas en cause. Alors tu ris nerveusement.

- Certes, mais c'était il y a plus d'un an, ça. On n'a pas été au poste avec Eros. Là, j'étais seule et c'est de ma faute à moi seule. Toi aussi tu lui en as voulu pour son manque de réactivité et toi aussi tu lui as fait la gueule. Mais ça date du tout début de 2023. Ton besoin de prouver que t'es capable etc. C'était ton idée d'aller en dehors des clous. C'est toujours ton idée, d'ailleurs. Eros n'est pas le genre à transgresser toutes les règles de la même manière que ton ras-le-bol avant ta majorité t'a fait les transgresser. Pourtant, tu souris à Liam. Mais c'est gentil à toi de t'inquiéter. Ça te fait un peu bizarre quand même. L'indépendant Liam, le modèle de détachement que tu voudrais suivre, inquiet de façon réelle et pas juste superficielle, au sujet de quelqu'un ? Qui plus est de toi ? Ouais, t'es un peu flattée, c'est un fait.

Tu hausses les épaules.

- Tu sais très bien que j'aime les défis et que je trouve ça stupide d'être cantonnés à un bout de la ville si ridicule. La City est l'un de vos meilleurs terrains de jeux. Mais là-bas, vous y êtes tellement limités que c'en est ridicule. De nouveau tu hausses les épaules. Et je n'en ai toujours pas, rassure-toi. Gaïa a fait en sorte que je sois tranquille. Et - tu soupires en réalisant ce que tu t'apprêtes à dire - dans tous les cas je ferai plus attention. Et j'écouterai plus. J'en ai ras le cul qu'on me dise ce que je ne fais pas bien, à vrai dire. Déjà au pensionnat c'était non stop, mais même là, ça te les brise qu'on te rappelle sans cesse à l'ordre. Faire des conneries, ok, mais plus mineures que celles-ci, puisque tu n'as plus ta propre minorité dans la poche comme excuse à tout. T'essaies de garder ton détachement. Perturbée, non. Ça fait suer, c'est tout. Puis il n'y a rien pour l'instant, donc tant mieux. De toute façon, avec un casier, tu devrais tirer un trait sur tes études, et ça c'est pas possible pour toi.

Tu tournes la tête vers lui, avec un petit sourire narquois sur le visage.

- Bah alors, Liam, tu te radoucis ! Tu lui dis ça d'un ton léger et amusé, sans le moindre jugement. Puis tu gardes ton sourire et efface son côté moqueur. Mais j'en prends bien note, merci à toi. J'imagine qu'il faudra que j'aille m'excuser d'être une tête de mule après de Gaia...