Quelques coups donnés sur la porte me font délaisser mon téléphone pour aller ouvrir. Par habitude, je fermais toujours la porte quand j’étais seule à l’appartement. Pas que je sois paranoïaque, mais j’aimais me savoir en sécurité, on n'était jamais à l’abri d’un type bizarre qui débarque en cherchant quelqu’un. Un tour de clé et une pression sur la poignée, je découvrais Marvin sur le seuil. S’il esquissait un sourire tout le reste de son visage semblait grave. Détaillant chacun de ses traits déchiffrer ce mélange d’émotions étrange qui me rendait perplexe, j’avais laissé le silence s’installer sans le vouloir. Secouant à peine la tête pour sortir de mes pensées, j’acquiesçais d’un signe de la tête. « Désolée, j’étais ailleurs. Bien sûr entre. », l’invitais-je en me décalant pour le laisser passer. Prenant soin de refermer la porte derrière lui. « Si c’est Raph que t’es venu voir, il n’est pas là. », annonçais-je avant même qu’il n'ait posé la question le laissant progresser vers la pièce de vie de l’appartement. Ces deux-là étaient inséparables, alors rares étaient les fois où Marvin venait traîner dans le coin sans lui. « Installe-toi, je peux t’offrir quelque chose ? », proposais-je en lui indiquant le canapé d’un signe de la main. Mon colocataire n’était pas présent, mais ça ne m’empêchait pas d’être accueillante et puis, Marvin était plutôt cool alors passé un peu de temps à papoter avec lui ne me posait pas le moindre problème…

Il passait le seuil de la porte et je refermais la porte derrière lui. Je secouais légèrement la tête de droite à gauche pour lui indiquer qu’il ne dérangeait pas. « Aucun problème, t’es toujours le bienvenu, tu le sais bien. », lui adressais-je en haussant les épaules un léger sourire aux lèvres. Lui indiquant le canapé, je lui proposais de lui offrir à boire. Ce qu’il déclinait avec politesse. Croisant les bras sous ma poitrine, je le suivais du regard alors qu’il s’avançait dans l’appartement. Pinçant mes lèvres l’une contre l’autre, j’avançais d’un pas jusqu’à ce que nos regards se croisent à nouveau. « Qu’est-ce qui t’amène ? », demandais-je avant d’avancer un peu plus. « Toi et ton besoin de voir un visage familier ? », ajoutais-je aussitôt avec un sourire en coin. C’était le genre de détail que je ne laissais jamais passer. J’étais loin de tout comprendre et je ne me prétendais pas tout savoir sur le langage non-verbal, mais je devais bien admettre que mon sens de l’observation avait certains avantages. Je restais debout, les bras croisés sous ma poitrine en attendant sa réponse qui me ferait savoir, quelle boisson serait la plus adaptée à la discussion que nous allions avoir. Parce que c’était une certitude, Marvin avait visiblement besoin d’avoir une conversation, ce qui ne me posait pas le moindre problème. Je voulais simplement qu'elle se déroule dans les meilleures conditions possibles.

Même son sourire sonnait faux et j’en savais quelque chose. Les faux sourires ça avait longtemps été ma marque de fabrique. Je haussais brièvement les sourcils à sa demande avant de laisser échapper un léger soupir amusé. « Nan … », lançais-je avec un brin d’ironie dans la voix. « Disons seulement que je suis plutôt observatrice comme fille. », ajoutais-je avec un sourire qui, je l’espérais en-tout-cas, détendrait un peu l’atmosphère. Lorsque le nom d’Emma s’échappait d’entre ses lèvres, mon menton se relevait légèrement, comme si je venais de saisir toute l’étendue de la situation. D’un simple signe de la main, je l’invitais à s’installer dans le séjour après l’avoir écouté jusqu’au bout. Prenant le chemin de la cuisine, je sortais d’un placard deux verres, puis une bouteille de rhum arrangé d’un autre. Venant les déposer sur la table, je tapotais doucement la cuisse de Marvin pour lui demander de se décaler et, ainsi, pouvoir me placer à ses côtés. Sans attendre son avis, je servais deux verres, attrapant le mien, je m’installais confortablement. Lui laissant le loisir de consommer le sien quand bon lui semblerait. « Bien, Emma a donc un mec. », reprenais-je pour lui montrer que je l’avais écouté. « Qu’est-ce que tu vas faire ? », demandais-je sans détour avant de plonger mes lèvres dans mon verre. Je n’étais pas vraiment du genre à prendre des pincettes. J’aurais sûrement pu lui dire qu’on était plus proche du déni que de la surprise, après tout, elle n’allait pas l’attendre éternellement, si ? « Qu’est-ce que t’as vu exactement ? », l’interrogeais-je finalement. Après tout, on dit que l’amour rends aveugle, peut-être que dans ce cas précis, son cœur avait simplement interpréter ce qu’il avait vu de la mauvaise façon…

Assise à ses côtés, en appréciant mon verre qui allait sans doute être nécessaire dans ce moment, je l’écoutais avec beaucoup d’attention. Expressive, mes sourcils se haussaient légèrement à sa première réponse. Retirant mes lèvres de mon verre, j’avalais ma gorgée de liquide avant de pincer mes lèvres l’une contre l’autre. Est-ce que j’étais en train d’apprendre à tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler ? Peut-être. Après tout, je n’aurais aucun intérêt à ce qu’il se sente davantage blessé. Cependant, ma franchise me rattrapait rapidement. “Tu sais qu’être ami ne signifie pas de devoir demander l’approbation de l’autre pour entamer une relation n’est-ce pas ?”, lui adressais-je avec autant de douceur qu’il m'était possible de le faire. Soit, assez peu. Secouant légèrement la tête de droite à gauche, je reprenais, consciente d’avoir parfois l’air un peu direct. “Ce que je veux dire, c’est que, ce que tu décris là ce n'est pas vraiment ce dont à besoin un ami, tu vois ?”, ajoutais-je sans certitude que ce soit beaucoup plus délicat. Mais Marvin le savait, la délicatesse, ce n’était pas vraiment mon fort. Plaquant mon dos contre le dossier du canapé, je venais relever mes jambes contre moi pour être plus à l’aise tenant fermement mon verre pour ne pas renverser, quand bien même le mobilier n’en n’était pas à son coup d’essai, j’apprécierais beaucoup de ne pas avoir à frotter le tissu tout le reste de la journée. Je continuais à l’écouter, la situation avait effectivement l’air ambigu, je devais le reconnaître. “Attends, on résume.”, lançais-je en me décalant légèrement pour lui faire plus ou moins face. “Ce que t’as vu, c’est Emma, main dans la main avec un mec et la panique dans son regard ?”, reprenais-je histoire qu’il puisse dédramatiser la situation. “Je connais un tas de gens qui se tiennent la main pendant leur sortie, sans pour autant qu’il y ait quoi que ce soit entre eux.”, lançais-je machinalement. Réalisant finalement que, le seul exemple qui me venait à l’esprit, c’était celui de Raphaël et moi. Pas certaine que ce soit le meilleur des exemples, j’enchaînais rapidement. “Elle a peut-être paniqué uniquement parce qu’elle te connaît et qu’elle redoutait justement ce genre de réaction.”, ajoutais-je finalement en haussant les épaules. Je n’avais aucune certitude, mais j’essayais tant bien que mal de l’aider. “Bois un coup, ça va te faire du bien.”, l’invitais-je avec un sourire amical. “Désolée, mais tant que tu ne les auras pas vu échanger leur salive, rien ne prouve qu’ils sont ensembles.”, concluais-je finalement avant de désigner son verre d’un mouvement de tête. Il n’allait quand même pas me laisser boire seule. “Pourquoi tu ne lui poses pas simplement la question ?”, demandais-je finalement, comme si c’était évident que rien ne l’en empêchait. C’était un peu l'hôpital qui se foutait de la charité, mais ma fierté me poussait à refuser d’admettre que, dans la même situation, j’aurais exactement le même comportement que lui.