numéro un. princesse aux rêves égarés, perdue dans l’immensité du monde, à la recherche de sa bouée de sauvetage, Isis est une femme sportive et ce depuis son plus jeune âge. numéro deux. les voyages qu’elle vit petite aux côtés de ses parents lui font rêver d’être un jour une grande sportive. dans la danse, la gymnastique, la course ou même le vélo. elle rêve de grandeur et de s’élever. numéro trois. on l’inscrit très tôt à beaucoup d’activités, de l’une à l’autre chaque fois qu’elle se lasse. c'est dans la gymnastique qu’elle trouve son premier grand amour. elle aime ce qu’elle fait et vit pour son activité. mais, alors qu’elle a dix sept ans, le docteur la met en garde. sa colonne vertébrale ne supporte plus les coups qu’on lui inflige alors qu’elle fait des sauts périlleux toute la journée. elle doit penser à un autre sport, un qui ne forcera pas sa colonne à supporter le poids et les chocs. numéro quatre. elle découvre l’escalade au même moment. si elle doit monter, ses bras aussi forcent et l’aident à disperser son poids. le docteur n’émet pas de contre-indication, alors elle se lance, tout simplement. utopiques premières années, elle participe aux championnats nationaux puis mondiaux d’escalade, et même à deux coupes du monde : la princesse a trouvé l’endroit où elle excelle et brille, sans mettre en péril sa santé, ce qu’elle croit. numéro cinq. princesse déchante peu avant de ses vingt-cinq ans. les médecins avaient cessé de lui parler de sa colonne vertébrale, qu’elle pensait ménager quotidiennement. alors qu’elle participe à une compétition où elle monte en tête persuadée, comme toujours, de ne rien manquer, elle pousse, refusant de s’accrocher aux premières dégaines. tête brûlée qui veut montrer son talent et gagner, c’est quand elle décide d’enfin s’accrocher que tout bascule. la douleur se propage dans son corps et son dos se bloque et elle n’arrive pas à faire bouger son bras comme elle le voudrait. sa chute de plusieurs mètres de haut, elle ne s’en souvient pas. à vrai dire, elle n’aurait même pas dû s’en sortir. numéro six. coma de treize semaines et le pronostic sur l’usage de son corps lourdement endommagé est peu engageant. on lui dit qu’elle ne pourra plus faire de sport, si toutefois elle arrive à remarcher. quelques mois, longs tout de même, parviennent à faire mentir ce diagnostic. mais si elle réussit à marcher et à faire des activités basiques de nouveau, la compétition, c’est terminé, peu importe le sport qu’elle pourrait trouver. tout ce qu’elle pourra faire, c’est assurer les autres, en compagnie d’une personne pour l’assurer, elle. plus que jamais, Isis doit se ménager et ne pas forcer. mémoire également abîmée par la chute, les bribes de souvenirs qui se rappellent à elle l’épuise, la perdant dans l’immensité d’une vie que même ses parents ne peuvent lui ramener. c’en est trop pour sa mère qui choisit de partir, envoyant ensuite les papiers du divorce à son mari. Isis aurait voulu pouvoir prendre ce nouveau départ, elle aussi. mais elle n’a pas pu courir pour rattraper celle dont le souvenir était déjà effacé, arraché par les éclats d’oublis. numéro sept. Elle assiste à ces compétitions en tant que spectatrice plutôt que compétitrice. chacune d’entre elles, même celles auxquelles elle participait alors. repoussant chaque coéquipier, chaque ami qui s’approche d’elle, même ceux qui ont toujours été là, comme Luna. elle ne s’en rappelle pas toujours, perdue au milieu des pièces de puzzle éparpillées de sa mémoire. numéro huit. elle trouve, après avoir passé une formation accélérée, une place en tant qu’assistante dans un cabinet juridique, elle qui ne vivait alors que pour le sport. elle est un peu perdue au milieu de tout ça, moins cérébrale que physique, désormais persuadée de n’être plus ni l’une ni l’autre, cherchant Isis, celle qu’elle a connue autrefois et dont elle n’est plus toujours certaine de connaître l’identité. numéro neuf. erdue, la meilleure définition de sa personne aujourd’hui. elle souffre beaucoup de sa condition. pas complètement accro non plus, ce qu’elle s’efforce de se mettre en tête, elle passe beaucoup de temps sous anti-douleurs, à sourire et prétendre que tout va bien. mais rien ne va, ni physiquement ni psychologiquement. sa mère partie, elle n’en a plus de nouvelles. son père ne sait plus comment s’adresser à elle et ne supporte plus de la savoir triste et abîmée. quant à ses amis, elle essaie de se souvenir d’eux, de chaque détail d’eux. mais capricieux sont ses souvenirs qui viennent et repartent sans se faire prier. numéro dix. elle trouve quand même son réconfort. entre ces sourires pour lesquels elle tombe en pamoison chaque fois qu’elle les voit et qu’ils lui sont adressés et son implication dans les groupes de parole. Là, elle se sent vivre, enfin, de nouveau, prête à découvrir une nouvelle personne.